Classique
Installé aux Etats-Unis depuis qu'il avait fui le nazisme avec le violoniste Adolf Busch, dont il était le gendre, Rudolf Serkin a vite gagné le cur de l'Amérique musicale de l'avant-guerre. Lancé dès 1936 par un concert avec Toscanini, il se fit vite connaître, tant comme soliste que comme chambriste, et, dès 1950, fonda avec Busch le Festival de Marlboro (Vermont) dont il disait que la philosophie était « d'apprendre à jouer les seconds violons... » et qui est, aujourd'hui encore, le vivier le plus riche de la musique de chambre aux Etats-Unis.
Né en Bohême en 1903 (la même année que Claudio Arrau et Vladimir Horowitz, autres géants du XXe siècle pianistique), Rudolf Serkin a enregistré, à l'exception d'EMI qui l'a réédité dans sa collection « Références », la quasi-totalité de son legs chez l'américain Columbia. En concert, il était l'un des rares pianistes à imposer à son public une qualité d'écoute absolue. En écoutant ses disques, on perçoit ce charisme, particulièrement dans les uvres chambristes, ce « Quintette La Truite » de Marlboro en 1967, miracle d'équilibre, avec Jaime Laredo, Philipp Naegele, Julius Levine et Leslie Parnas, la fine fleur de la Julliard School de l'époque, et le « Quintette Op. 44 » de Schumann avec le Quatuor à cordes de Budapest, de 1963. Schubert reste, avec Mozart, la spécialité de Serkin, qui en a pourtant joué et enregistré si peu d'uvres. Plus encore que la « Grande sonate D. 960 », d'une rigueur exceptionnelle, c'est la plus modeste et inachevée « Sonate Reliquie » enregistrée en 1955 et inédite sur CD qui est indispensable dans cet héritage discographique. Serkin fait jaillir de cette musique douloureuse une évidence et une humanité que bien peu de pianistes y ont trouvées.
De Mozart, quatre concertos des années cinquante (9 et 20 puis 23 et 27), respectivement sous les baguettes d'Alexandre Schneider (le second violon du Quatuor de Budapest) et d'Eugene Ormandy, montrent ce qu'est l'évidence de la simplicité en matière de musique concertante. Beethoven aussi, autre incontournable du répertoire serkinien, est présent dans cet hommage avec les concertos n°s 3 et 5 avec Leonard Bernstein et le New York Philharmonic (1962), les sonates « Pathétique », « Clair de lune », « Appassionata » et Opus 109, 110 et 111 ainsi que les « Variations Diabelli » sont du Serkin le plus tendu, le plus exigeant.
Enfin, le Serkin le plus inattendu, on le trouvera dans ce Bach, lui aussi inédit sur DC. Non les « Variations Goldberg » entières que tout jeune il jouait comme bis à la fin de ses concerts, mais l' aria seule, le reste n'ayant jamais été gravé, le « Concerto italien » d'une étonnante liberté de ton, la « Fantaisie chromatique et fugue », le « Cinquième Concerto brandebourgeois» sous la direction de Pablo Casals (Marlboro 1964) et, perle rare et émouvante, le « Cappricio BWV 992, sur le départ du frère bien aimé », lui aussi rareté absolue.
La présentation de ces albums n'est, comme il est de rigueur aujourd'hui, pas très soignée. On note même une erreur de numérotation des plages dans celui consacré à Bach. Soixante pour cent de ces rééditions sont des premières sur disque compact et toutes ont été remasterisées. Il faut aussi signaler que, parfois, les prises de son sont un peu dures, datées dans leur façon très frontale d'enregistrer le piano. Très recommandables cependant !
10 CD séparés Sony Classicals. ADD.
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