« L E retard accusé par la France dans le domaine des biotechnologies n'est pas récent », a expliqué Pierre Tambourin (directeur de Genopole) lors du colloque intitulé « Quels enjeux pour la recherche pharmaceutique en France ? », présidé par Jean-Pierre Foucher (député des Hauts-de-Seine, président du groupe Médicaments et dispositifs médicaux de l'Assemblée nationale)*. « Dès les années 1980, constate-t-il, l'industrie américaine a pris conscience des enjeux de la génomique » ; les investissements massifs dans les biotechnologies ont alors commencé, avec notamment le recrutement de chercheurs issus de la recherche publique. En France, l'industrie préférait « attendre que ses partenaires américains se perfectionnent dans ce domaine, déterminent les cibles ».
Pour François Meyer (directeur du centre de recherche d'Aventis de Vitry), « les laboratoires suisses avaient devancé les Américains dans cette voie, en réalisant tout ce que les biotechnologies pouvaient apporter sur le plan industriel, un domaine jusque-là réservé aux chimistes et aux biologistes ».
« Le véritable décollage des biotechnologies » date des années 1996-1997, avec le travail sur la rationalisation des cibles, qui a posé un problème d'organisation aux entreprises pharmaceutiques, dominées par les chimistes. Les activités de biotechnologies ont dû être externalisées. A titre d'exemple, Aventis investit près de 15 % de son budget recherche et développement en externe, contre à peine 3 % chez Rhône-Poulenc il y a quelques années. Cette externalisation vers le public et le privé implique le choix judicieux de partenaires capables de répondre aux besoins des industries pharmaceutiques qui, pour pouvoir accroître leur rentabilité, doivent sortir 2 à 3 nouveaux produits par an.
Les Etats-Unis comptent actuellement plus de 300 entreprises de biotechnologies et l'Allemagne et la Grande-Bretagne « ont pris une nette avance sur la France ». L'Allemagne investit actuellement près de 2 milliards d'euros dans les biotechnologies et la France seulement 300 millions d'euros.
Le retard de la France dans les biotechnologies doit très vite être comblé, car en 2002, 60 % des médicaments mis sur le marché seront issus de la biotechnologie. Or, actuellement, 95 % des fonds alloués aux biotechnologies par les laboratoires pharmaceutiques sont investis à l'extérieur de la France.
Pourtant, il existe en France « un vivier de chercheurs dans les biotechnologies », avec un « niveau de compétence élevé », tandis que de nombreux chercheurs français sont engagés par des laboratoires étrangers, notamment aux Etats-Unis. Il faut reconnaître à l'Etat français le mérite d'avoir fait des sciences de la vie un poste prioritaire du budget de la recherche. « Nos organismes de recherche ont leur place dans la recherche mondiale, en particulier dans les sciences du vivant », souligne Jean-Pierre Foucher. « Des aménagements législatifs ou réglementaires et des incitations financières sont donc nécessaires pour permettre à notre recherche nationale de ne pas seulement survivre mais de se développer et de participer, avec toute la vigueur dont elle est capable, aux grands mouvements mondiaux. »
Des incitations financières
En France, nous sommes très loin de posséder le tissu industriel suffisant dans le domaine des biotechnologies. Quelques initiatives ont vu le jour comme la Genopole et les projets sont légion. Mais le problème de financement reste entier. « Très peu de sociétés de capital-risque acceptent d'investir dans le domaine des biotechnologies », précise Pierre Tambourin. Tout doit donc aller très vite pour la mise en place sur notre territoire d'un réseau d'entreprises de biotechnologies, avec un développement de partenariats entre le secteur public de la recherche et les industriels, un partenariat parfois difficile car les chercheurs sont insuffisamment formés en matière de stratégies industrielles. Des incitations financières sont nécessaires, par exemple en développant l'intéressement des chercheurs ou en développant le système du crédit-impôt, pour attirer les fonds privés. C'est un enjeu essentiel pour le maintien d'activités de recherche et de développement pharmaceutiques en France. Sans négliger les énormes enjeux commerciaux à l'échelle mondiale.
*Avec notamment Pierre Tambourin (ditecteur de Genopole d'Evry), François Meyer (directeur du site de recherches d'Aventis de Vitry), Bernard Pau (directeur d'une unité de recherche CNRS-Sanofi), Hervé Chneiweiss (conseiller auprès du ministre de la Recherche).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature