DE NOTRE CORRESPONDANTE
«CETTE ÉTUDE chez la souris nous donne une raison pour mener de nouvelles études cliniques», explique au « Quotidien » Valérie Julia, chercheuse à l'INSERM (U 924, Valbonne), qui a codirigé cette étude. «Des études évaluant l'effet de l'allaitement sur le développement des allergies et notamment de l'asthme, en tenant compte de l'exposition de la mère aux différents allergènes pendant la période d'allaitement. »
Plus de 300 millions de personnes dans le monde souffrent d'asthme allergique, une maladie inflammatoire chronique des voies aériennes, caractérisée par une obstruction des voies respiratoires en réaction à l'inhalation d'un allergène.
Elle résulte d'une réponse immunitaire (T helper de type 2) inappropriée contre des allergènes présents dans l'air.
Sa prévalence est en augmentation constante ces dernières décennies, vraisemblablement du fait de changements dans notre environnement.
Plusieurs travaux ont montré que l'exposition à des antigènes environnementaux durant la petite enfance joue un rôle crucial dans le développement de l'asthme.
Certaines études épidémiologiques ont suggéré que l'allaitement au sein permet de protéger l'enfant contre le développement de l'asthme, mais d'autres études contradictoires ont montré un rôle néfaste de l'allaitement.
Valérie Verhasselt, Valérie Julia et coll. ont examiné cette question dans une étude chez la souris.
Des souris allaitantes, mais pas leur nouveau-nés, ont été amenées à respirer, au cours de séances réalisées tous les deux jours, un allergène diffusé dans l'air – l'ovalbumine (trouvée dans le blanc d'oeuf). Les tests ont montré que l'ovalbumine inhalée était efficacement transférée aux souriceaux, par le biais du lait.
Réponse allergique diminuée de 60 à 80 %.
Lorsque les souriceaux ont atteint l'âge adulte, ils ont été soumis à une sensibilisation puis une provocation allergénique.
Les souriceaux allaités par des mères exposées à l'allergène développaient une tolérance immune vis-à-vis de l'allergène et présentaient une moins grande hyperréactivité bronchique et inflammation des voies respiratoires, par comparaison aux souriceaux allaités par des mères qui n'avaient pas été exposées à cet allergène. Leur réponse allergique était diminuée de 60 à 80 %.
«Nous avons retrouvé l'allergène inhalé dans le lait des mères, trois à quatre heures après l'exposition. De plus, nous avons observé que, une fois adultes, les souriceaux allaités étaient résistants à l'induction d'asthme», explique Valérie Verhasselt.
L'induction de cette tolérance nécessite la présence conjointe dans le lait maternel de l'allergène et du TGF-bêta (Transforming Growth Factor beta) et elle est médiée par les lymphocytes T CD4+ régulateurs. En revanche, elle ne nécessite pas le passage dans le lait des anticorps maternels.
«La tolérance induite par l'allaitement pourrait dépendre à la fois de l'administration chronique d'un antigène à faible dose et de la présence dans le lait du TGF-bêta», notent les chercheurs.
Un objectif double.
«Notre prochain objectif est double», confie au « Quotidien » le Dr Julia. «Réaliser des études cliniques pour valider notre découverte faite chez la souris; le Dr Valérie Verhasselt se chargera de réaliser ces études. Et s'intéresser au cas des mères allergiques: peut-on aussi observer une protection dans ce cas?Les implications pourraient être très importantes», estime- t-elle. «Suite aux études cliniques qui doivent être menées, nous pourrons encourager les mères qui allaitent leurs enfants à ne pas éviter le contact avec les allergènes et au contraire à favoriser leur exposition aux allergènes pendant l'allaitement.»
«L'identification d'un facteur essentiel qui est le TGF-bêta pourrait peut-être être "additionné" dans les laits artificiels. Bien sûr, le bénéfice de cet ajout devra au préalable être étudié dans un modèle expérimental.»
Pour les chercheurs, cette étude pourrait ouvrir la voie au développement de nouvelles stratégies pour prévenir le développement des maladies allergiques.
Verhasselt et coll., « Nature Medicine », 27 janvier 2008, DOI : 10.1038/nm1718.
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