L’annonce d’un rallongement jusqu’en 2016 du deuxième plan maladies rare n’a suscité que peu d’enthousiasme parmi les membres de la plate-forme maladie rare.
« Il n’y a pas eu de moyens supplémentaires mis en face de cette annonce, regrette Laurence Tiennot-Herment, présidente de l’AFM on estime que les pathologies doivent devenir une priorité de santé publique au même titre que les maladies neurodégénératives ou le cancer. » Plus qu’une prolongation du plan actuel, c’est véritablement un troisième plan maladies rares qui est demandé par Eurordis, l’AFM et les autres membres de la plate-forme.
Des budgets non renouvelés
Mesure phare du deuxième plan, la création de la fondation maladie rare a considérablement structuré les efforts de recherche, mais sans aide financière pour accompagner son action. Son budget annuel de 3 millions d’euros, dont 2 millions alimentent des appels à projets, provient de ses membres fondateurs en particulier l’AFM téléthon. « Cette thématique de santé qui concerne 1 Français sur 20 n’est pas assez financée. Les seuls budgets de l’état que nous avons obtenus, se résument à une enveloppe annuelle de la DGS de 140 000 euros, qui n’a d’ailleurs pas été renouvelée, et à un budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie qui doit être renégocié cette année .», détaille le directeur de la fondation, le Pr Nicolas Lévy du CHU de Marseille.
Criblage et séquençage
Malgré ce manque de soutien, la Fondation maladie rare est parvenue à soutenir 150 projets de recherche depuis 2012. Les 140 000 euros fournis par la DGS ont ainsi nourri sept projets en sciences sociales sur les parcours de soin, les parcours de vie et l’impact du séquençage sur les patients. Ce sont près de 110 preuves de principe thérapeutiques qui sont aujourd’hui accompagnées par l’équipe des responsables régionaux de la Fondation avec pour objectif d’accélérer des développements. La fondation a également facilité l’accès aux séquenceurs haut débit et aux plates-formes de criblages de molécules, comme la plate-forme de chimie biologie intégrative de Strasbourg, la plate-forme intégrée de Criblage de Toulouse ou celle de criblage pour des Molécules Bio-Actives du CEA à Grenoble.
Ces outils sont importants pour la recherche sur les maladies rares mais aussi pour la recherche en général. L’exemple de la progeria est emblématique. « C’est le cas typique d’une maladie rare avec de très petits effectifs, souligne le Pr Lévy. Seulement deux malades vivent sur le territoire français, une trentaine en Europe et 300 dans le monde.Les mécanismes concernant la physiologie du vieillissement mis en évidence chez ces malades se retrouvent chez tout le monde. » L’étude du syndrome de Muckle-Wells a quant à elle permis de mettre au jour l’inflammasome, un ensemble de protéines impliquées dans la réponse immunitaire innée.
Faire rentrer la valorisation dans les mœurs
Le défi est immense. Face au manque de budget, les chercheurs doivent apprendre à valoriser leurs recherches. « Nous devons intégrer le fait que le dépôt de brevet doit générer de la valeur, y compris pour les industries pharmaceutiques », estime le Pr Lévy. Un changement de mentalité qui a encore du chemin à faire : sur les 11 entreprises, recensées par le magazine américain Forbes, qui ont levé des fonds pour développer des thérapies géniques, souvent issues de la recherche académique française, seul Gensight arbore un pavillon tricolore.
Il existe toutefois des contre-exemples comme la start-up TROPHOS co-fondée par BPI France et l’AFM. TROPHOS a assuré les premières phases du développement de l’olesoxime découverte à l’université d’Aix-Marseille. Suite aux bons résultats de cette molécule dans l’amyotrophie spinale infantile, cette entreprise a été rachetée par Roche pour 470 millions.
Autre symbole de cette volonté de partenariat avec le privé : les 16 cohortes actuellement montées dans le cadre du programme RaDiCo qui seront officiellement inaugurées le 4 mars prochain. « Nous souhaitons développer un concept que l’on pourrait baptiser "open innovation", explique le Dr Jérôme Weinbach, directeur scientifique et opérationnel de RaDiCo. Les groupes pharmaceutiques ne participent pas à la gouvernance de nos cohortes mais ils sont consultés le plus tôt possible pour nous assurer que les données collectées répondront à leurs attentes. »
10 millions d’euros pour développer des cohortes maladies rares
Dotées d’un financement de 10 millions d’euros sur 10 ans, issu de l’appel à projet 2010 « cohortes » de l’ANR, la plate-forme opérationnelle de RaDiCo aide à la constitution de cohortes qui diffèrent des registres sur les maladies. Elles sont en effet conçues dès le début pour répondre à des objectifs de recherche précis, comme décrire leur histoire naturelle, établir des corrélations phénotype-génotype, élucider leur physiopathologie, identifier de nouvelles pistes thérapeutiques ou évaluer leur impact médico-économique et sociétal. Selon le coordinateur du programme, le Pr Serge Amselem du Service de génétique et d’embryologie médicales de l’Hôpital Trousseau, « l’objectif n’est pas de mettre en place un dossier médical informatisé. Les cohortes sont construites pour permettre des activités de recherche sur certaines données collectées. » Les premiers patients devraient être inclus à l’automne 2015.
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