LE QUOTIDIEN - L’opération « Un réflexe pour la greffe » s’adresse à tous les établissements de santé, qu’ils soient autorisés ou non à prélever des organes. En quoi consiste-t-elle ?
EMMANUELLE PRADA-BORDENAVE - Lorsque le plan greffe a été lancé, il y a longtemps, il s’agissait de former des personnels spécifiques : les coordinations de prélèvement hospitalières. Mais, malgré l’efficacité de cette formation, on s’est aperçu que ces coordinations hospitalières étaient, d’une part, isolées dans leur hôpital et, d’autre part, avaient du mal à faire passer des messages aux hôpitaux voisins. L’opération « Un réflexe pour la greffe » consiste à mettre en place un outil de formation moins contraignant, dirigé vers l’ensemble du personnel de l’établissement (qu’il soit administratif, médical ou paramédical). Cette formation concerne tous les établissements qui accueillent des malades susceptibles d’être prélevés ou d’être adressés à un hôpital préleveur. Pour que l’activité de greffe marche, il ne suffit pas de former, même si c’est un préalable indispensable, des forces de frappe que sont les coordinations hospitalières : il faut également une implication de l’ensemble du personnel et de tous établissements. S’il en a émis le souhait, chacun d’entre nous doit pouvoir donner ses organes, quel que soit l’endroit où l’on est hospitalisé.
L’opération a déjà été menée dans plusieurs régions. Êtes-vous satisfaite des résultats ?
Pour les régions PACA, Corse et Languedoc-Rousillon, nous n’avons pas encore les données, puisque l’opération a commencé en 2009. Les résultats seront connus en novembre. En revanche, pour l’opération menée dans le Grand-Ouest, de 2004 à 2009, à laquelle ont participé 66 établissements, on a constaté une augmentation du nombre de recensements et de greffes de manière immédiate. Cette évolution s’inscrit dans la durée : en 2006, on avait 777 donneurs recensés et 1 033 greffes ; en 2010, on en a recensé 914 pour 1 104 greffes.
Êtes-vous déçu que seuls 10 établissements de Champagne-Ardenne aient répondu à cette offre de formation ?
Oui et non. Il y a souvent des établissements qui sont plus disponibles que d’autres : cette opération nécessité d’impliquer tout le monde et ce n’est pas forcément la priorité du moment des directeurs d’établissement. Nous irons voir les autres établissements après, nous ne sommes pas dans un temps contraint.
Quels sont les progrès que vous pouvez espérer pour augmenter encore le nombre de prélèvements et de greffes en France ?
La ministre de la Santé nous a demandé de réfléchir à un nouvel élan pour la greffe. Nous commençons à avoir quelques idées sur les deux pistes que sont les donneurs décédés et les donneurs vivants : un premier projet sera remis à la fin du mois d’octobre. Sur les donneurs décédés, nous sommes convaincus qu’il y a des marges de progression, notamment via le recensement dans les hôpitaux non-préleveurs. Si on réussit, comme en Bretagne, à faire des réseaux extrêmement actifs, nous obtiendrons des dizaines ou des vingtaines de prélèvements supplémentaires. Nous comptons également sur l’amélioration de l’efficacité des établissements plus importants grâce à un outil informatique européen appelé « Cristal action » : il consiste à reprendre tous les dossiers des personnes décédées en réanimation les mois précédents et à les analyser en se demandant qui aurait pu être prélevé et pourquoi il ne l’a pas été.
Et que préconisez-vous pour le don d’organes entre vifs, que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPESCT) et l’Académie de médecine considèrent comme devant rester exceptionnel ?
En France, le prélèvement sur donneurs décédés, même s’il stagne, est déjà important et il peut encore progresser grâce à une organisation plus efficace. À l’inverse, pour les donneurs vivants, nous sommes à la queue du peloton. Plusieurs équipes de l’Agence réfléchissent, avec les professionnels, aux moyens de donner un élan assez fort et décisif à cette part de l’activité. Les Espagnols viennent de le donner. Ce qu’il faut éviter à tout prix, c’est de déshabiller Pierre pour habiller Paul, c’est-à-dire de mettre le paquet sur le don vivant en délaissant le don décédé. La Hollande, par exemple, peut se targuer d’un taux très important de dons du vivant. Malheureusement, quand il n’y a pas de donneur compatible, le malade attend, en moyenne, plus de trois ans pour une greffe de rein, contre 19 mois en France. D’un point de vue organisationnel, le don du vivant est plus simple, car il s’agit d’une activité programmée. Ce n’est pas la course contre la montre qui caractérise le prélèvement par donneur décédé. La crainte de l’OPESCT, c’est que l’on glisse vers cette facilité. Mais il est clair que le don du vivant ne doit venir qu’en complément du don décédé : il ne peut pas être pas assez efficace en terme de nombre de donneurs. C’est aussi ce que recommande l’OMS.
BIENTÔT UN PROJET POUR DONNER UN NOUVEL ÉLAN À LA GREFFE
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