PETITE BLAGUE édifiante glanée sur Internet. Une jolie jeune fille doit subir une intervention chirurgicale à l'hôpital. Une infirmière la prépare, puis l'installe sur le lit à roulettes qui l'emmènera en salle d'opération. Elle la pousse dans le couloir jusque devant l'entrée du bloc et la quitte un instant. Un homme en blouse blanche s'approche de la patiente, relève le drap qui la recouvre et examine longuement la jeune fille. Il remet le drap en place et s'éloigne sans dire un mot. Un peu plus loin, il retrouve un confrère et lui parle à l'oreille. La deuxième blouse blanche s'approche de la patiente et l'examine à son tour. Une nouvelle blouse blanche arrive et les trois confrères discutent. Le troisième examine lui aussi la malade. Celle-ci s'impatiente et demande quand elle en aura fini avec les examens et pourra passer au bloc. Haussant les épaules, une des trois blouses blanches lui répond : «Aucune idée, nous, on est les peintres.»
Moralité, une blouse blanche peut en cacher une autre. L'habit, pour emblématique de la profession qu'il soit, n'est pas l'apanage exclusif des médecins. Les infirmières portent la blouse blanche, bien sûr, tout comme les pharmaciens ou les dentistes. Mais son usage déborde largement du cadre des métiers de la santé. D'autres « savants » l'endossent, les chercheurs, par exemple, quelques enseignants (au collège ou au lycée, les professeurs de physique-chimie s'en revêtent volontiers). Et les peintres, donc. Quand on quitte le blanc pour s'aventurer sur le terrain de la couleur (ce que font les chirurgiens et les anesthésistes en vert ou en bleu), on trouve aussi nombre de professionnels en blouse (sages-femmes en rose et, hors du monde médical, ouvriers en bleu il n'y a pas si longtemps).
Reste que, au moins psychologiquement, l'habit fait sacrément le moine. Dans l'imaginaire collectif (comme dans celui de notre petite patiente sur son chariot à roulettes), les médecins sont les blouses blanches. Pourtant, la majorité d'entre eux ne la portent pas (ou plus), cette blouse. Elle n'a quasiment plus cours dans les cabinets de ville, gros des troupes de la démographie médicale où on la considère volontiers comme un obstacle psychologique à une bonne relation médecin-patient. A l'hôpital, elle reste une institution – c'est l'administration qui fournit les blouses et qui, surtout, les blanchit chaque jour. Pourtant, certains médecins la délaissent (les psychiatres en particulier la portent peu).
Environnement aspergeant.
Armure, uniforme, marqueur, rempart contre les infections ? Comment les médecins « à blouse » la conçoivent-ils et pourquoi les médecins « pas à blouse » n'en veulent-ils point ?
Il est quelques spécialités pour lesquelles la question ne se pose même pas. «Ma blouse n'est pas du tout symbolique, elle me permet de me protéger, moi, d'un environnement particulièrement aspergeant et hostile», s'amuse un chirurgien, qui ajoute aussitôt : «Elle est aussi le signe que je laisse au vestiaire au moins une grande partie de mes habits de ville et donc des germes qu'ils peuvent véhiculer.»
L'hygiène est évidemment un argument en faveur de la blouse. Mais nombre de praticiens n'hésitant pas, par exemple, à déjeuner avec leur blouse, elle n'explique pas tout. Le choix de porter ou de ne pas porter la blouse peut varier avec les années. Psychiatre au CHU de Nantes, le Dr Rachel Bocher a eu sa période « avec » mais c'est fini. Elle pense que, désormais «à l'aise avec son identité professionnelle», elle n'en a plus besoin. Le Dr Bocher se souvient pourtant avoir, comme tous les étudiants en médecine, «rêvé de (sa) première blouse». Elle estime aussi que la blouse est un bon outil pour «se distancer du malade», que, à l'instar du bureau qui sépare le praticien de son patient, elle est une sorte de «barrière».
Amusante est la situation des médecins attachés : pour leur exercice en ville, ils ne portent pas de blouse ; pour leurs vacations hospitalières, c'est une autre paire de manches. «A l'hôpital, les attachés se moulent dans le blanc. On est dans la différenciation symbolique», analyse le Dr François Aubart, chirurgien à l'hôpital d'Eaubonne-Montmorency, dans le Val-d'Oise.
La blouse du médecin, en tout cas, a fait – et continue de faire – le bonheur de nombreuses personnes. Celui, entre autres, des auteurs de bandes dessinées (on pense aux médecins, et particulièrement aux psychiatres, de « Tintin »), celui des scénaristes (ceux de la série « Urgences » doivent s'en frotter encore les mains) et ceux des journalistes à qui les oripeaux fournissent – «Les blouses blanches dans la rue», «Il rend sa blouse blanche»... – titres et formules à l'envi.
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