LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN - La France a signé la Convention d’Oviedo sur les droits de l’Homme et la biomédecine en 1997 mais n’a lancé le processus de ratification que cette année, après autorisation dans la nouvelle loi de bioéthique. Comment expliquer cette longue période d’attente ou de réflexion ?
JEAN LEONETTI - Les principes inscrits dans la Convention d’Oviedo étaient, dès leur signature en 1997 grosso modo en accord avec la législation française. Mais un important travail de révision de notre législation nationale en matière de bioéthique était en cours au Parlement, qui a finalement débouché sur la loi n° 2011-84 du 7 juillet 2011. Sauf à méconnaître les droits du Parlement, il nous a fallu attendre que cette révision législative vienne à son terme pour pouvoir ratifier la convention. C’est aujourd’hui chose faite avec le dépôt des instruments de ratification auquel j’ai personnellement procédé à Strasbourg le 13 décembre.
Cette ratification aura-t-elle des conséquences sur les pratiques et la recherche biomédicale en France ?
Cette convention vise à encadrer l’évolution de la biomédecine et à réaffirmer la primauté des valeurs humaines – dignité et intégrité de la personne – sur le développement scientifique et technique. En France, les pratiques et la recherche en biomédecine sont déjà strictement réglementées par la législation nationale, mais la ratification de cette Convention permet d’affirmer notre attachement aux standards d’éthique les plus élevés, afin de lutter contre d’éventuelles dérives vers le « moins-disant » éthique.
La France a signé le protocole additionnel sur le clonage et ne devrait signer que maintenant ceux sur la transplantation d’organes et de tissus (2002) et sur les tests génétiques à des fins médicales (2008). Un quatrième protocole semble poser problème, celui sur la recherche. Quels sont les enjeux de ces protocoles ?
Le protocole du 21 janvier 2005 relatif à la recherche biomédicale n’a en effet pas encore été signé par la France. Une réflexion est en cours au niveau européen avec la révision de la directive relative aux essais cliniques de médicaments et au niveau français avec la proposition de loi déposée par le député Olivier Jardé sur les recherches biomédicales. Nous sommes donc dans l’attente de la stabilisation du droit.
La Convention est-elle apte à faire face aux questions posées par les nouvelles techniques en matière de reproduction et de thérapeutique, par la médecine prédictive ou par les nanotechnologies, notamment ?
La Convention de 1997 pose des principes très forts qui sont à la fois généraux et intemporels. Ils ont la même portée que, par exemple, les principes énoncés dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948. L’article décisif de la Convention est son article 1er qui affirme que les parties à cette Convention « protègent l’être humain dans sa dignité et son identité et garantissent à toute personne, sans discrimination, le respect de son intégrité et de ses autres droits et libertés fondamentales à l’égard des applications de la biologie et de la médecine ». Cet article met en avant le principe de dignité de la personne, permettant une interprétation plus large, celle de la dignité de la personne à naître, ou celle de la dignité de la femme à enfanter. Ce principe de dignité est suffisamment fort pour protéger l’Homme contre les potentiels abus des nouvelles techniques médicales.
Pour les nanotechnologies, nous pouvons suivre le même raisonnement : le principe de précaution (qui fait désormais partie de notre bloc de constitutionnalité), c’est-à-dire celui de ne rien entreprendre sans préalablement prendre en compte les conséquences à long terme de nos actes, permet de faire face aux questions posées par les nouvelles techniques en matière de nanotechnologies.
Faut-il s’inquiéter du non-respect par des pays européens de certaines recommandations de la Convention, comme l’interdiction de tirer profit d’éléments du corps humain ?
La Convention d’Oviedo contient des dispositions encadrant l’intervention médicale, l’utilisation du génome humain, la recherche scientifique et la transplantation d’organes. Sa ratification permet d’assurer que les provisions qu’elle contient sont respectées par tous les États qui en sont membres. L’article 21 de la Convention interdit, par exemple de tirer profit du corps humain et de ses parties : en ratifiant la convention, les États parties se sont engagés à respecter cette disposition. En France, la législation nationale est très ferme sur ce sujet.
Ainsi, pour nous assurer que les recommandations de la Convention sont respectées partout en Europe, notre devoir est d’encourager tous les États européens à devenir partie à cette convention.
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