Les groupes de travail en cascade n’y font rien. Le projet de loi de santé fait désormais presque l’unanimité contre lui. Après avoir déclenché la fronde des syndicats de médecins libéraux représentatifs (CSMF, FMF, SML, MG France et Le BLOC), la fermeture des cabinets en fin d’année dernière, puis la grève de la télétransmission, le texte de Marisol Touraine mécontente désormais de plus en plus la jeune génération.
Deux semaines après le brusque changement de bureau décidé en assemblée générale extraordinaire, l’Intersyndicat national des internes (ISNI) a déposé un préavis de grève illimitée contre le projet de loi de santé. À partir d’aujourd’hui, l’ISNI appelle à l’organisation de manifestations « dans tous les internats de France » pour dénoncer le « mépris » du gouvernement envers les jeunes médecins. Les internes pourraient se mettre en grève « ville après ville ». Première à se positionner, Caen (Calvados) où les internes défileront ce jeudi. Le 4 février, ce sera au tour des internes parisiens d’exprimer leur colère.
La concertation ouverte par le ministère de la Santé au sein de plusieurs groupes de travail n’est pas de nature à apaiser l’ISNI. « Le calendrier est très serré puisque tout doit être bouclé au 15 février », déplore sa présidente Mélanie Marquet, très amère face à cette concertation au pas de charge.
La carte jeune
Autre décision forte : les internes et les chefs appellent ensemble à une manifestation nationale le 15 mars à Paris. Comme leurs aînés, ils demandent tout particulièrement le retrait du tiers payant généralisé qui entraînera selon eux un désengagement de l’assurance-maladie au profit des complémentaires privés.
Ils s’opposent aussi à toute organisation territoriale qui donnerait aux ARS les « pleins pouvoirs » sur les autorisations et les renouvellements d’activité mettant à mal la liberté d’installation. Ils refusent de servir de « variables d’ajustement de la démographie médicale », et réclament la suppression du statut de praticien remplaçant, qui ne fait que « précariser l’entrée dans la carrière hospitalière publique ».
Trop longtemps laissés de côté, les jeunes veulent peser directement sur le cours des choses. « Nous souhaitons qu’un chapitre spécifique de la loi soit consacré aux jeunes médecins, que ce soit la formation ou les modes d’exercice, les mesures facilitant l’insertion professionnelle en libéral et à l’hôpital », détaille Mélanie Marquet. Le ministère de la Santé a pour l’heure fermé la porte à l’intégration d’un « volet jeunes » au projet de loi de santé.
Le Dr Julien Lenglet, président de l’ISNCCA (chefs de clinique), constate que le premier groupe de travail sur le service public hospitalier, qui s’est réuni lundi, n’a permis aucune ouverture. « Personne n’est d’accord sur rien, réécrire un texte en deux ou trois réunions avec un mandat de négociation aussi étroit, je ne vois pas comment c’est possible », se désole-t-il.
La colère de l’ISNI pourrait gagner les internes de médecine générale réunis en congrès ce week-end (voir encadré). Pas en reste, le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) a déposé un préavis de grève pour le jeudi 5 février et demande la réécriture du projet de loi de santé.
De nombreux syndicats seniors, la CSMF, la FMF et le SML, de même que l’UFML, se réjouissent du renfort des internes et ont appelé à manifester aux côtés des jeunes confrères. « Cette situation inédite démontre à quel pointle projet de loi du gouvernement est rejeté par l’ensemble des médecins, toutes générations confondues, ce qui commande sa réécriture de toute urgence », analyse la CSMF.
Comme le dentifrice
La radicalisation des internes inquiète les pouvoirs publics. Le ministère de la Santé et les conseillers sociaux et santé de l’Élysée ont successivement reçu les représentants de l’ISNI en début de semaine.
Un mouvement de grève des internes, s’il est massivement suivi, met souvent à mal les projets de réforme. Dernier épisode en date : le projet de loi de Roselyne Bachelot avait été stoppé net à l’automne 2007, en grande partie à cause des internes. Des états généraux avaient été organisés pour amender une réforme qui prévoyait de restreindre la liberté d’installation.
Le Dr Olivier Véran, député PS de l’Isère, se rappelle de cette période agitée, lui qui occupait alors la vice-présidence du syndicat des internes. « Roselyne Bachelot disait que les internes, c’est comme le dentifrice, quand ça commence à sortir du tube, cela devient compliqué par la suite... » Le parlementaire, rapporteur du premier volet du projet de loi, estime qu’il faut être à l’écoute de la jeune génération pour « lever les interrogations et dissiper les craintes ». « La loi de santé n’est pas faite contre eux et il n’est pas question de supprimer la liberté d’installation », résume-t-il. Pour le Dr Véran, il est nécessaire d’améliorer l’attractivité de l’hôpital public et donner des perspectives aux futurs praticiens. « Quand les internes se mettent en grève, c’est souvent à des moments importants. Ils sont très impliqués dans leur boulot et il leur est difficile de se lancer dans un mouvement », analyse le député, très attentif à la mobilisation.
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