LE QUOTIDIEN : La RTU du baclofène (annoncée officiellement en juillet dernier) et l’AMM du Nalméfène (accordée au niveau européen) ne sont toujours pas signées. Comment réagissez-vous ?
Pr DIDIER SICARD : Cette situation m’attriste. J’avais signé en avril 2012 un appel pour libérer la prescription. Les nouveaux traitements apportent enfin des perspectives thérapeutiques face à la maladie alcoolique alors qu’on s’était résigné jusque-là à une situation d’échec, avec en France un parcours de soin incohérent et hétérogène. J’ai soutenu le combat d’Olivier Ameisen qui avait ouvert la voie à un progrès considérable avec le baclofène, témoignant que, grâce à cette molécule, la prégnance de la dépendance pouvait être enrayée. Même si le protocole observationnel reste à compléter, cela constitue indéniablement une avancée majeure.
Pourquoi cette situation de blocage ?
Dans le passé, il fallait faire face au lobby des alcooliers. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à un mouvement très hostile des alcoologues. Par-delà les divergences d’appréciations et de pratiques, chaque alcoologue est persuadé de détenir le graal de la prise en charge. Et surtout, ils sont réfractaires à un changement radical de prise en charge qui fait tomber le dogme du sevrage absolu.
L’autre résistance provient de l’establishment et des autorités de santé. Dans ce dossier, elles se comportent avec frilosité, elles ont peur de leur ombre. En fait tout se passe comme dans un miroir négatif de l’affaire du Mediator : dans un cas, il y a eu un excès de laxisme et cette fois, il y a un excès de rigorisme. Les enjeux sont considérables en termes de santé publique, mais les autorités se retranchent derrière le principe de précaution, alors que les gains escomptés pour les patients sont sans commune mesure avec les éventuels risques et effets secondaires. Dans ce dossier, je suis très sévère à l’égard des responsables publics.
Comment les médecins doivent-ils se comporter ? Faut-il prescrire hors AMM ?
On ne prescrit pas ces traitements comme du doliprane. Cela nécessite un apprentissage, de même que les prescriptions des trithérapies pour les patients VIH sida. Beaucoup de praticiens se trouvent actuellement dans une situation de clandestinité. Il faut reconnaître et saluer le rôle joué par les associations de patients, qui mobilisent comme, en leur temps, les associations de malades du sida. Elles ont un rôle moteur indéniable. Mais, en même temps, ce ne sont pas les malades qui vont élaborer les protocoles et les valider. Chacun doit être dans son rôle.
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