LE QUOTIDIEN DU MEDECIN. En tant que sociologue, en quoi le mouvement anti-#FakeMed vous intéresse-t-il ?
HENRI BERGERON. Je tiens tout d'abord à préciser que ni moi ni mes étudiants n’avons fait de recherche systématique sur les médecins de ce mouvement, et que je ne peux donc vous offrir que des réactions spontanées. Cela étant dit, ce sujet me touche parce que je travaille sur les liens entre science, expertise et politique : quels sont les savoirs mobilisés pour informer les décisions publiques, quelles sont les preuves qui sont utilisées par les décideurs ? La question de l’homéopathie a donc toute mon attention.
Comment situeriez-vous le mouvement anti-#FakeMed dans l’histoire de ce lien entre science, expertise et politique que vous étudiez ?
La profession médicale a toujours eu besoin de construire sa légitimité, de défendre les frontières de sa juridiction professionnelle, de faire valoir qu’elle maîtrisait des connaissances et des méthodes singulières et efficaces. On peut trouver des mouvements comparables dans l'histoire, qui peuvent en quelque sorte être interprétés comme les ancêtres du mouvement dont nous parlons.
Et pourtant, la cible du mouvement anti-#FakeMed se trouve à l'intérieur même de la profession médicale...
Oui, c'est une singularité de ce mouvement. On peut aussi remarquer une autre singularité liée au contexte de massification de l'information sur les réseaux sociaux, ce qui rend une clarification encore plus nécessaire qu’auparavant à propos de l'efficacité des traitements. La médecine a ceci de paradoxal qu'elle n'a jamais été aussi efficace à prévenir et traiter les pathologies, et qu'elle n'a jamais été aussi contestée. Un certain nombre de crises sont venues jeter de la méfiance vis-à-vis des autorités sanitaires, l’une des dernières en date étant celle du Levothyrox, sur laquelle j’ai eu l’occasion de travailler.
Le mouvement anti-#FakeMed vous semble-t-il une bonne manière de restaurer la confiance ?
Je suis un observateur, je ne statue pas sur ce qui est bon ou pas. Mais je remarque que cette initiative part d'un endroit particulier d'un champ sanitaire déjà caractérisé par une forte multipolarité : ministère, différentes agences, Ordre, multiples sites internet, etc. Tout cela me semble donc participer d'une certaine fragilisation.
Quelles vous sembleraient être les recherches à mener pour mieux comprendre le mouvement ?
Il me semble important de caractériser l'origine, le contexte, le moment de l'histoire dans lequel est intervenue cette prise de position. Si je devais étudier le sujet, je m’intéresserais donc aux motivations de ces individus, à ce qu'ils représentent au sein du champ sanitaire. Quels sont leurs enjeux, à qui s’opposent-ils, quels types d’alliances peuvent-ils former avec d’autres acteurs ? Il me semble important de comprendre ce qui se trouve au delà de leur objectif affiché de rétablissement de ce qu'ils considèrent comme une certaine vérité. Ce qui n'entache en rien la réalité et la sincérité du mouvement
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