Battues par les vents, mal desservies, les îles de la mer Égée, en Grèce, sont de vrais déserts médicaux. La fondation Stavros Niarchos a décidé de financer une unité de soins mobile afin de les désenclaver. « Le Quotidien » a pu suivre, il y a quelques semaines, la deuxième étape du périple de ces praticiens volants, à Amorgos.
Les traits tirés, les yeux mi-clos, les médecins venus du Pirée débarquent après neuf heures de voyage au port d’Aegiali, à Amorgos. À 3 heures du matin, alors que souffle un vent glacial, il n’y a pas un chat sur l’île grecque. Nikitas Roussos, le maire a tenu à accueillir ces soignants bénévoles qui offrent aux habitants des examens médicaux pendant cinq jours.
Deux camions
Cette unité mobile, composée de seize médecins, est opérationnelle depuis janvier grâce au mécénat de l’armateur Stavros Niarchos. Sur cinq ans, l’équipe prévoit de rendre visite aux 55 000 habitants de trente-cinq îles éloignées. La fondation dispose de deux camions munis d’équipements modernes permettant de faire des radios, des mammographies et des mesures de la densité osseuse.
À 10 heures, les consultations commencent à Chora, la capitale de l’île. Niki, l’infirmière de l’expédition, traîne des pieds. La nuit a été courte, elle doit courir pour préparer les cabinets. Les techniciens s’affairent pour vérifier le fonctionnement des appareils et la connexion wifi. La mission souhaite créer des fichiers patients électroniques pour un meilleur suivi.
Avant de se mettre au travail, les médecins assistent à la bénédiction du père Thomas. Après la prière, l’homme d’église s’adresse au personnel médical : « Quand je vous ai vus sortir du bateau, fatigués, je me suis dit, "c’est impossible qu’ils soient prêts à temps". Pourtant, à 10 heures, vous étiez tous en blouses, heureux d’être ici. J’ai ressenti une grande joie, l’humanité et la générosité n’ont pas disparu dans ce pays malgré la crise. »
Le Dr Panagiotis Koulouvaris, coordinateur de la mission, semble touché par son message. Ce chirurgien orthopédiste est à l’origine du rapprochement entre la fondation Niarchos et le centre médical du village olympique (au nord d’Athènes), où travaillent la plupart des volontaires. « Mes premiers contacts avec la fondation datent de 2008, j’avais eu des échos de médecins insulaires, raconte-t-il. Je savais que des initiatives avaient échoué faute de moyens et d’organisation. En 2012, j’ai eu l’accord pour le financement du programme. » Pris dans la tourmente de l’austérité, l’État grec ne pourrait pas assurer ce projet qui coûte 200 millions d’euros pour les trois premières années.
Des îles de plus en plus isolées
Avec la crise, cette initiative d’unité mobile est devenue presque vitale. « Des trajets de bateaux ont été supprimés, les habitants ont vu leur salaire et leur retraite chuter, explique le Dr Koulouvaris. De nombreuses femmes ne vont plus à Athènes pour faire une mammographie. Il faut compter trois jours de voyage, pouvoir débourser 70 euros pour le ferry et avoir une solution pour se loger près de l’hôpital.»
Beaucoup ont renoncé à se soigner. C’est le cas de Lito Louzourou, 72 ans, qui a du diabète et des problèmes de thyroïde. « Avant j’allais une fois par an à Athènes pour faire des examens. Mais ça devient de plus en plus difficile de quitter l’île », raconte-t-elle.
À Amorgos, un seul généraliste et six infirmières s’occupent de la santé de 2 000 habitants. Depuis un an, le Dr Alexandros Vasimbosis gère l’unique dispensaire de l’île. « Je ne suis pas un surhomme, soupire-t-il. Pour les cas graves, mes patients doivent être transférés à Athènes ou dans une île plus importante. En cas d’extrême urgence, on appelle un hélicoptère. Mais un trajet coûte environ 10 000 euros... ».
Toute la journée, les médecins enchaînent les consultations. Is ont à peine le temps d’avaler du fromage et des gâteaux au miel offerts par les locaux. La salle d’attente ne désemplit pas : 2067 rendez-vous en cinq jours !
De retour à Athènes, l’unité mobile tiré le bilan de l’expédition. Près de 70 % de la population d’Amorgos a bénéficié de ses services gratuits. Vingt-cinq cas sérieux, dont des cancers du sein et des hyperthyroïdies, ont été diagnostiqués.
Prochaine étape: Fourni, îlots au Nord de la mer Égée.
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