LE QUOTIDIEN : Vous appelez aujourd’hui les généralistes à fermer à nouveau leurs cabinets. Une journée santé morte est organisée dans le Centre. Ne redoutez-vous pas une lassitude de la profession ?
DR CLAUDE LEICHER : Non. Nous sommes très inquiets de l’évolution de la démographie de notre spécialité. Le praticien territorial de médecine générale (PTMG) a été créé il y a deux ans pour améliorer la protection sociale et sécuriser financièrement le début d’activité des jeunes médecins. Mais il ne concerne que 200 médecins par an et ne résoudra absolument pas le problème des départs en retraite de 2 200 à 2 500 généralistes chaque année ! Dans ce contexte déjà tendu, un tiers payant généralisé obligatoire pèserait énormément sur l’installation.
Par ailleurs, ce projet de loi ne donne aucune place au généraliste en matière de prévention. Au contraire, ce champ d’activité, avec la vaccination chez le pharmacien ou des nourrissons par les sages-femmes, est petit à petit retiré aux médecins généralistes. Ce démantèlement n’est pas acceptable !
La médecine générale est désormais l’objet d’une mission spécifique. Vous n’y croyez pas ?
Nous ne voyons pas du tout se dessiner le virage ambulatoire promis. Un chapitre spécifique de la loi de santé devrait être réservé aux soins primaires avec un investissement conséquent sur la médecine générale.
La situation est alarmante. Un grand nombre de généralistes n’ont pas les moyens d’avoir un secrétariat. Nous ne pouvons pas continuer à travailler avec une consultation à 23 euros et investir dans notre outil de travail, sauf à rompre le pacte du secteur I. C’est ce qui risque de se passer si on assiste à une cinquième voire une sixième année de blocage du C...
Alors que la profession est mobilisée contre la loi de santé, vous parlez d’« apartheid tarifaire » et réclamez que les généralistes puissent coter la MPC. Les revendications sur les honoraires ne brouillent-elles pas le message ?
Les combats sont indissociables. Ça ne sert à rien d’avoir des généralistes et de ne pas les payer, et ça ne sert à rien de bien les payer s’il n’y en a plus !
Certains syndicats veulent le retrait pur et simple de la loi de santé. Nous, nous demandons sa modification et réclamons des moyens pour exercer notre métier. Si nous ne sommes pas entendus, des médecins généralistes finiront par facturer 25 euros la consultation. Nous encourageons les généralistes à réfléchir à cette alternative qui est de dire "je tiens au secteur I, à l’accès aux soins et au remboursement des patients mais je ne peux pas continuer à travailler avec une cinquième année de blocage de la consultation".
Aujourd’hui, si le gouvernement ne fait pas un geste, les généralistes se serviront eux-mêmes. Je me félicite à cet égard de voir l’UNOF réclamer maintenant aussi la MPC [lire encadré]. Nous pourrions lancer un mot d’ordre d’utilisation de la MPC par les généralistes.
Mais attendez-vous encore quelque chose de la concertation en cours sur le projet de loi ?
Nous verrons ce que le gouvernement retiendra de cette concertation. Les médecins ont formulé des propositions mesurées et constructives. Celles-ci doivent être entendues.
La manifestation du 15 mars peut être l’acmé du mouvement avant l’apaisement, ou au contraire le début d’un conflit encore plus difficile. Les internes se mobilisent. Si les étudiants rejoignent la manifestation, ce serait la première fois que l’on assiste à une unité totale de tous les échelons de la médecine avec des internes, des chefs de clinique et des médecins installés.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature