En dermatologie comme ailleurs, les conséquences de l'exposition aux gaz et aux particules en suspension dans l'atmosphère sont difficiles à évaluer. La toxicité cutanée de certains composés, comme les dioxines, le benzopyrène ou l'arsenic, est néanmoins avérée.
LES NUISANCES liées à la pollution atmosphérique ne sont pas une préoccupation nouvelle - à Rome déjà, au début de notre ère, Sénèque se plaignait des fumées, signale le
Dr Anne-Marie Roguedas-Contios (CHU de Brest). L'analyse du retentissement sanitaire de l'exposition à des polluants, rarement isolés, aux effets probablement synergiques pour certains, et modulés par différents cofacteurs (climat, mode de vie, alimentation, tabagisme...), reste toutefois problématique. Après la sphère respiratoire et l'appareil cardio-vasculaire, on commence à s'intéresser à la peau. Mais les études sont encore peu nombreuses.
Concernant le dioxyde de soufre, par exemple, pourtant très étudié dans le cadre des travaux sur les pluies acides, il n'existe aucune donnée sur les conséquences dermatologiques de l'exposition. Une action corrosive est plausible, sur le modèle des lésions constatées chez les végétaux. Mais des résultats mieux documentés seraient bienvenus. Et, s'agissant des oxydes d'azote, ou des oxydes de carbone, le problème est analogue.
Les effets des composés complexes sont plutôt mieux connus. Ainsi, le rôle des dioxines dans l'acné chlorée. Dernièrement, l'empoisonnement du président ukrainien Victor Yushchenko a redonné une actualité au problème. Mais c'est surtout lors de la catastrophe de Seveso, survenue en 1976 en Italie du Nord, que le déclanchement très brutal d'une acné sévère après exposition à la dioxine a pû être étudié. Le phénomène est lié à une modification de la différenciation cellulaire au niveau des glandes sébacées, pour lesquelles les dioxines ont un fort tropisme. Rappelons également que ces composés chlorés sont très lipophiles, et que leur demi-vie est extrêmement longue, de l'ordre de sept ans. Vingt ans après la catastrophe, des dosages sanguins effectués chez des victimes de Seveso montraient ainsi la persistance de taux de dioxines anormalement élevés, et par ailleurs corrélés à la sévérité de l'acné chlorée.
Autres polluants, les hydrocarbures aromatiques polycycliques, issus de la combustion des carburants. Leur effet mutagène est prouvé. Il a notamment été démontré, chez la souris, qu'une application hebdomadaire de benzopyrène induit l'apparition d'un carcinome cutané dans un délai d'environ quatorze semaines. On s'interroge également sur une responsabilité de ces composés polycycliques dans l'eczéma.
Les hydrocarbures volatils, tels que cétones, aldéhydes, benzène, fluorocarbones, pourraient, eux, être en cause dans l'augmentation de fréquence des phénomènes de peau réactive. In vitro, sur des kératinocytes en culture exposés à ces composés, une production accrue de cytokines pro-inflammatoires (IL1, IL8) a en effet été constatée. L'hexachlorobenzène se révèle par ailleurs immunotoxique chez le rat, et son ingestion se solde par l'apparition de lésions précancéreuses au niveau de la peau.
Concernant les effet dermatologiques des métaux lourds en tant que polluants, c'est l'arsenic qui est le mieux connu. Ses effets peuvent aller des simples hyperkératoses localisées, généralement aux extrémités, à des hyperpigmentations, et jusqu'aux carcinomes cutanés. Le diagnostic d'arsenisme peut être confirmé par dosage biologique.
En revanche, on ne sait rien du plomb, dont la toxicité neurologique, hématologique et rénale est pourtant pourtant parfaitement documentée. Quant au nickel et au chrome, connus pour leur rôle déclancheur dans l'eczéma de contact, les études sur les conséquences d'une exposition environnementale restent à mener.
L'ozone, enfin, polluant secondaire résultant de la réaction photochimique entre oxyde d'azote et hydrocarbures, aurait sur la peau des effets analogues à ceux constatés dans les poumons. L'exposition cutanée se solde par une consommation de composés anti-oxydants (tocophérols, ascorbate, urate), accompagnée d'une oxydation des lipides et des protéines de la couche cornée pouvant entrainer une sécheresse cutanée.
D'après une communication du Dr Anne-Marie Roguedas-Contios (CHU de Brest)
Les marées noires
Les marées noires sont des événements heureusement rares, mais qui comportent, pour les équipes de nettoyage, un risque dermatologique évident. Le ramassage des plaques d'hydrocarbures impose une protection complète, y compris occulaire. Selon le Pr Laurent Misery (CHU de Brest), le risque cancérogène à long terme reste toutefois très théorique, l'exposition restant brève, en principe. En toute hypothèse, il n'est pas démontré à ce jour. En revanche, il ne faut pas perdre de vue le risque secondaire, lié à l'utilisation de détergents eux-mêmes toxiques.
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