Les médecins sauront ce qui les attend dans moins de trois mois. Ouvertes le 25 juillet dernier, les négociations sur les dépassements d’honoraires se poursuivront début septembre avec une dernière rencontre le 17 octobre. Mandatée par le ministère de la Santé, l’assurance-maladie a clairement fixé l’enjeu des discussions : juguler les dépassements et améliorer l’accès aux soins.
Les syndicats de médecins ont tenté de prendre l’initiative en multipliant les propositions : rémunération aux forfaits et bonus à l’ancienneté pour MG-France, remise à plat du secteur I pour la CSMF, aménagement du secteur II pour la FMF, mise en place d’un secteur IV pour le SML… Les professionnels ne manquent pas d’idées pour réformer les dépassements. Mais qu’en pensent les médecins dits « de base », si souvent critiques à l’égard de leurs représentants ?
Depuis plusieurs semaines, ils sont nombreux à livrer dans nos forums leurs réflexions, leurs revendications ou leur coup de gueule… Morceaux choisis.
L'appel au déconventionnement
D'abord revaloriser les actes opposables
Plafonner les dépassements et valoriser l'ancienneté
S'inspirer des voisins
Privilégier les forfaits
Supprimer le secteur II
Ouvrir le secteur optionnel au secteur I
Passer au salariat
Manifestation d’un ras-le-bol ou véritable proposition ? Les médecins sont nombreux à appeler leurs confrères à sortir de la convention si leur liberté de fixer les tarifs venait à être remise en cause.
« Pour ma part je choisirais le déconventionnement pur et simple. Un pourcentage de 70% [référence à un proposition du SML de limiter le taux de dépassement à 70%, NDLR] ne correspond à rien quand le montant du tarif opposable est abusif c'est à dire scandaleusement bas. Continuer à travailler dans ces conditions serait un luxe que je ne puis me permettre. » Le 28/07/2012
« Comment nos syndicats ont pu accepter de telles manoeuvres de la CPAM ? Est-ce un excès de zèle ou un excès de naïveté ? En terrain ennemi, où nous allons être copieusement boxés médiatiquement jusqu'au 18 septembre pour qu'une fois KO le 19 le VR vous confirmera qu'il n'aura pas les moyens pour les 5 prochaines années de revaloriser les actes.... Ridicule. Qu'une solution: un déconventionnement de tous les secteurs 2, Après on discute. Les spécialistes tahitiens sont tous déconventionnés depuis 8 mois... » Le 25/07/2012
« Les médecins n'ont pas conscience du pouvoir énorme qu'ils détiennent, et c'est l'absence de cohésion professionnelle qui fait que nous sommes taillés en pièces par les pouvoirs successifs dont la finalité est toujours la même... Un déconventionnement massif mettrait à genoux gouvernement, Sécu, mutuelles, etc... et permettrait de repartir sur d'autres bases et de ne plus être payés comme des garçons coiffeurs. » Le 12/07/2012
« En quoi la médecine est-elle encore une profession libérale ? Sous tutelle de la CPAM et du ministère, on nous demande de faire de la médecine bon marché ? Vite fait mal fait ? Effectivement le déconventionnement reste la seule solution, mais attention à ce qu'ils ne profitent pas pour supprimer le secteur 2 en nous en interdisant le retour... Promettre une multiplication des actes et consultations serait plus efficace et plus clair comme langage... Une action en masse (quitte à travailler les WE) serait plus claire et plus rapide comme explication. » Le 25/07/2012
La question de la valorisation des actes opposables est bien au menu des discussions entre l’assurance-maladie, les complémentaires et les médecins. Mais elle ne sera abordée que le 27 septembre, à l’occasion d’une ultime réunion. Trop tard, estiment certains médecins qui posent la revalorisation des tarifs Sécu comme un préalable à toute discussion.
« La revalorisation des actes en bout de chaîne alors que tous les syndicats auront déjà quitté la table des discussions. On se fout de nous. Commencez par revaloriser les actes de secteur 1, le secteur 2 sera moins attractif, rendant l'accès aux soins plus facile et les sanctions inutiles, c'est quand même simple sauf pour des énarques. » Le 26/07/2012
« Chronologie aberrante ! Si on en est là c'est en raison à cause de la non revalorisation des tarifs opposables. Donc la discussion aurait dû commencer par les propositions de revalorisation sans doute très faibles. Comment discuter des autres points sans avoir cette info ? FVR [Frédéric van Roekeghem, patron de la CNAM, NDLR] veut encore une fois rouler les médecins dans la farine. » Le 25/07/2012
Pour ces praticiens, la dérive tarifaire est une conséquence de l’absence de revalorisation des actes opposables. Comment faire tourner un cabinet quand les frais de toutes sortes augmentent et que la rémunération n’est plus en adéquation avec les coûts réels ?
« […] L’acte médical est à distinguer de la partie administrative. Cette dernière doit être valorisée. La tenue du dossier, l’archivage des dossiers, la permanence téléphonique, le secrétariat, le courrier, a un prix variable selon la qualité de ce service. Cette partie administrative n’est pas prise en compte par l’assurance maladie, car il ne s’agit pas d’un acte médical. De même le prix de la location du cabinet est très variable, ainsi que son confort. Ceci n’est pas inclus dans le tarif Sécurité sociale, et ces frais n’ont pas à être payés par les médecins. Les patients et les mutuelles doivent payer ces prestations […] » Le 24/07/2012
Les propositions du BLOC (tarif plafond) et de MG France (bonus à l’ancienneté) trouvent écho auprès de certains praticiens.
« Je suis pour encadrer les DP et mettre un plafond car une minorité de médecin abuse et terni l'image de toute la profession, autoriser par exemple les DP après 10 ans de pratique et de façon graduelle pour qu'il y ait toujours l'évolutivité dans notre métier comme dans tout les autres métiers. » Le 29/05/2012
Le système français va mal. La solution se trouve peut-être au delà des frontières. D’autant que la rémunération des médecins à l'étrangers semble parfois plus enviable que celle de leurs homologues français...
« En Allemagne 1/3 de cotisation en moins, le tarif des actes chirurgicaux 3 fois plus élevé qu’en France, et pourtant remboursement des patients à 100% et excédent des caisses de 20 milliards. Où est le bug ? » Le 27/07/2012
« On ajuste les tarifs sur les pays voisins de la France (+ 40%) et on supprime le secteur 2. Ensuite on indexe une fois pour toute les tarifs des actes médicaux. On cesse de politiser sans cesse les prestations des médecins. » Le 11/07/2012
« […] Ne peut-on pas voir bien plus amplement les choses et penser à une autre modalité de paiement (le tiers payant intégral) et de liberté des honoraires (chaque discipline ayant ses comptables et ses cumuls d’actes sans limite), à l’instar de nos voisins allemands qui, fait incroyable, parviennent dans ce système à moins de dépenses de santé. Les médecins allemands peuvent, par le cumul intégral des actes varier leurs honoraires chacun à sa manière dans une spécialité, chaque spécialité ayant des recettes différentes pour des séances différentes, pour des équipements différents ? » Le 25/07/2012
C’est l’un des chevaux de bataille de MG-France : donner plus de place aux forfaits et à la rémunération du travail en équipe. L’idée séduit certains médecins.
« 1er acte à 100% et deuxième à 50% augmentent considérablement le nombre d'actes. Proposer un forfait par pathologie ou rémunérer le 3ème acte diminuerait le nombre d'actes et permettrait de financer l'augmentation de la ccam pour les médecins en secteur 1. » Le 27/07/2012 à 22h12
La proposition a ses adeptes, qui exercent bien souvent… en secteur I.
« Les dépassements arrangent bien les politiques hypocrites car les mandarins de gauche ou de droite peuvent s'enrichir sur le dos des patients en toute impunité sans grever le budget de la Sécu. Quand les politiques auront le courage de supprimer le secteur II et les lits privés hospitaliers en rémunérant comme il se doit les médecins et en supprimant, par des quotas, les multiplicateurs d'actes inutiles ? » Un médecin généraliste secteur I... Le 13/06/2012
« Encore une nouvelle usine à gaz française. Je plaide pour un seul secteur et bien rémunéré. Tout le monde s'y retrouvera, patients y compris. Un médecin spécialiste de province. » Le 07/07/2012
« Et les pauvres médecins du secteur 1 ? Ils n'intéressent personne... Tout le monde paraît admettre le bon droit des dépassements pour compenser l'absence de revalorisation tarifaire des actes... Mais alors comment ne pas trucider définitivement l'exercice en secteur 1 ? Pourquoi ne pas ouvrir le secteur optionnel (qui du coup retrouverait son nom...) au secteur 1 surtout ? »
La solution réglerait tous les problèmes selon ce lecteur, mais elle a peu de chance de séduire un grand nombre de médecins...
« Je veux bien être salarié. Le statut de praticien hospitalier avec 35h pour tous. Il n'y aura plus de polémique inutile. » Le 16/06/2012
Les médecins ont encore un mois et demi pour tenter de se faire entendre auprès des pouvoirs publics et de leurs représentants professionnels. Après, il sera trop tard. En cas d’échec des négociations, la ministre de la Santé Marisol Touraine, a promis qu’elle en passerait par une loi pour arriver à ses fins.
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