L'activité de chirurgie bariatrique augmente chaque année en France, mais le suivi des patients laisse à désirer. Réunis par l'Académie de médecine qui propose un certain nombre de recommandations dans son dernier rapport sur le sujet, des experts ont renouvelé ce mercredi matin un constat déjà dressé à plusieurs reprises par l'Académie de chirurgie (cosignataire du rapport), par la société française et francophone de chirurgie de l'obésité (SOFFCO) et le Collectif national des associations d'obèses (CNAO).
Les dispositifs actuels « sont débordés par le nombre croissant de patients », prévient Claude Vincent, président de l'Association pour la prévention du risque cardiométabolique (APRC). Le nombre d'opérations a été multiplié par 3 entre 2006 et 2014. Environ 50 000 nouveaux patients sont opérés chaque année, et on estime désormais à 500 000 le nombre de personnes qui ont bénéficié d'une opération de chirurgie bariatrique dans le passé. « Une telle masse de patients ne peut pas être suivie uniquement par les chirurgiens », affirme Claude Vincent. Selon le Pr François Pattou, chef du service de chirurgie générale et endocrinienne au CHRU de Lille, cette hausse continue s'explique par le fait que « l'obésité sévère est la frange de l'obésité qui augmente le plus vite en France et qui résiste à l'écrêtage actuel, c’est-à-dire la stabilisation de l'obésité en France ».
Un suivi satisfaisant chez 12 % des patients
Selon l'Académie, la qualité du suivi peut être considérée comme satisfaisante chez seulement 12 % des patients, 5 ans après l'opération. Les complications à long et moyen terme peuvent pourtant être sévères : mécanismes immuns, inflammatoires, déficits nutritionnels, neuropathies optiques, myélopathies, neuropathies périphériques et les myopathies. Faute d'un suivi nutritionnel adéquat, les patients peuvent aussi regagner le poids perdu au bout de quelques années.
Le mauvais suivi s'expliquerait en partie par des problèmes d'organisation et de financement des soins. « La rémunération à l'acte trouve ses limites dans un suivi de ce genre qui pourrait entrer dans le cadre des expérimentations des forfaits à l'épisode de soin de la Caisse nationale d'assurance-maladie », espère le Pr Pattou, qui avance aussi la piste des seuils d'activité. « Sur les 500 centres actuels, 240 font moins de 40 opérations par an. C'est trop peu pour assurer un suivi de qualité, estime-t-il. La labellisation SOFFCO impose un minimum de 50 opérations par an, mais elle n'est pas opposable. Les Pays-Bas obtiennent des bons résultats en concentrant toutes les opérations dans 10 centres. Sans aller jusqu'à cet extrême si on réduisait de 30 % le nombre de centres autorisés en France, cela n'obligerait que 5 % des patients à se rendre dans des centres plus expérimentés. »
L'autre principal frein identifié est le patient qui, une fois qu'il a perdu du poids, rechigne souvent à se plier à un suivi médical. Dans son rapport, l'académie recommande d'ailleurs que « le patient soit clairement informé avant l'intervention qu'il ne suffit pas de perdre du poids pour être guéri ; en effet, même après une intervention bariatrique, il reste un malade chronique relevant d'un suivi à vie ».
Intégrer le médecin généraliste
Les recommandations actuelles de la Haute Autorité de santé (HAS) datent de 2009, et affirme la nécessité d'assurer un suivi des patients après une chirurgie bariatrique « mais l'augmentation du nombre de patients fait que nous n'avons pas les moyens de le faire », affirme Claude Vincent. L'Académie de médecine préconise une révision de certains points de ces recommandations, afin d'intégrer de façon effective les généralistes dans le parcours de soins, « dès avant l'opération ».
Elle préconise aussi le partage du dossier médical entre équipes chirurgicales et médecins généralistes ainsi que le remboursement des vitamines nécessaires pour lutter contre les carences après l'opération, le remboursement des dosages biologiques et des actes relevant de la chirurgie bariatrique sur la base des consultations complexes. L'implication de la médecine de ville dans le suivi des patients opérés requiert une « formation concrète et spécifique », selon l'Académie de médecine, basée sur des « mises en situation » et des « cas pratiques ».
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