Quinze ans après sa disparition tragique - il s'est défenestré à Amsterdam, le 13 mai 1988, à l'âge de 59 ans -, le trompettiste et bugliste Chesney H. « Chet » Baker est devenu une sorte de personnage mythique dont toute la presse s'est emparée, surtout les journaux féminins qui pleurent sur le visage angélique des jeunes années - photographié par William Claxton - et le « poète du jazz ».
De ce jazzman blanc devenu légendaire, on n'a retenu que certaines frasques (alcool, drogues, femmes), une sonorité divine et une voix ensorceleuse, digne des meilleurs crooners. C'est - comme d'habitude - aller trop vite en besogne et oublier des pans entiers de la carrière de ce trompettiste délicat, fragile et unique.
Car Chet Baker, né le 23 décembre 1929 en Oklahoma, fut surtout une des figures marquantes du jazz style West Coast, créé en Californie dans les années 1950. Après des débuts dans un orchestre militaire en Europe au lendemain de la guerre, il se retrouve à Los Angeles dès 1952, où il se produit avec Stan Getz, puis Charlie Parker de passage sur la côte ouest, et Gerry Mulligan, avec qui il joue dans le célèbre quartette sans piano. Après un nouveau séjour en Europe, il joue avec Russ Freeman, Art Pepper, Bud Shank et autres figures de la West Coast. Certains de ces enregistrements légendaires ont récemment été réédités comme « Chet Baker & Crew » (1956) et « Mulligan/Baker » (deux Pacific Jazz/EMI), une compilation du meilleur de la rencontre entre les deux pointures.
Mais sa seconde carrière aura lieu dès 1959 en Europe, où on le retrouve successivement en Italie, à Paris ou en Allemagne. « Oh You Crazy Moon » (Enja/Harmonia Mundi), enregistré en 1978 en direct à Ludwigsbourg - comprenant notamment une extraordinaire version binaire de « Love for Sale » - est un des exemples de son merveilleux travail sur le Vieux Continent.
Une autre anthologie vient de paraître, « le Poète du jazz » (EMI), regroupant les meilleurs enregistrements pour Pacific Jazz et Fantasy et donnant toute la dimension d'un musicien profond, au jeu sobre et étincelant, à la voix de velours, qui manque à tous par sa gentillesse et sa fragilité.
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