La réforme du médecin traitant ?

« Cela n’a n’a rien changé à ma pratique »

Publié le 06/11/2014
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« En complément de mon travail de généraliste, j’ai une activité syndicale (MG-France) et je suis élue à l’URPS de Bretagne et au conseil de l’Ordre du Morbihan. De ce fait, je consacre environ trente heures par semaine à mon cabinet qui se situe dans la périphérie de Vannes. Je suis le médecin traitant d’environ 300 patients qui, pour 60 % d’entre eux, sont des personnes âgées de plus de 60 ans et 38 % ont plus de 70 ans. Globalement, j’ai un regard partagé sur cette réforme du médecin traitant. Le fait que 98 % des patients en France aient choisi leur généraliste a d’abord permis de démontrer l’utilité de notre travail et la proximité que nous avons avec la population.

Ensuite, il faut bien reconnaître que cette réforme a constitué un changement important par rapport au système du "médecin référent". Celui-ci reposait sur une démarche-qualité alors que le médecin traitant a surtout été instauré comme une mesure administrative de remboursement. Et dix ans après, je suis obligé de reconnaître que cette réforme n’a rien changé à ma pratique. La déception vient du fait que, dans les faits, le généraliste n’est pas toujours le médecin "traitant" du patient. Aujourd’hui, quand on adresse un patient à un médecin spécialiste, celui-ci, bien souvent, refait des examens que nous avons déjà faits puis il traite en direct. Alors que la logique voudrait que le spécialiste propose un traitement au généraliste et que celui-ci fasse son choix thérapeutique dans la limite de ses compétences bien sûr mais aussi avec la très bonne connaissance qu’il a de son patient, de son histoire, de ses antécédents et de ses autres traitements en cours. La multiplication des prescripteurs pour un même majore le risque de iatrogénie.

Aujourd’hui, on répète à longueur de discours que le généraliste doit être le pivot du système de soins. Et pour assurer ce rôle essentiel de coordination, on lui donne 5 euros par an et par patient (hors ALD) contre 45 euros dans le cadre du médecin traitant en 1996. Cela montre le peu de considération du généraliste dans notre pays. »

Propos recueilli par A. D.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9363