L'ARSENAL antidépassements adopté cet automne dans la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2008 se précise, point d'équilibre entre fermeté ministérielle affichée et doigté sur un terrain sensible.
De quoi s'agit-il ?
Au nom d'une exigence accrue de transparence tarifaire, le gouvernement avait fait voter dans la loi un article (39) visant à durcir la législation. Cet article, objet de vifs débats dans l'hémicycle et d'un lobbying intensif des médecins libéraux, avait abouti à deux mesures d'une portée somme toute limitée : primo, le principe d'un devis écrit obligatoire remis aux patients pour les actes lourds (seuil fixé par arrêté), assorti de sanction financière en cas de manquement à cette règle; secundo, une obligation d'affichage des tarifs dans les salles d'attente... déjà en vigueur, mais inégalement respectée.
Consultations préopératoires sous surveillance.
Dans les colonnes de notre confrère « la Croix » daté du 30 janvier, Roselyne Bachelot apporte des précisions sur le volet devis. En pratique, le devis écrit obligatoire (tarifs, nature et montant du dépassement facturé) devra être remis au patient avant d'engager les soins dès lors que les honoraires dépassent, pour les actes pratiqués en consultation, un montant plancher qui «pourrait tourner autour de 80 à 100euros». Le seuil exact n'a pas été arrêtécar il faut «discuter avec les professionnels pour que ce soit pertinent». Mais, ajoute la ministre, le niveau doit être «suffisamment élevé pour cibler les actes importants où les dépassements sont fréquents». Ce qui confirme en creux qu'il n'y aura pas d'obligation de devis pour les actes courants avec dépassements réalisés en consultation, engageant une somme inférieure au seuil fixé. Une exception, prévue dans la loi : le cas de figure du médecin (souvent chirurgien) qui reçoit un patient en consultation préalable (préopératoire par exemple) et prescrit un acte qu'il effectue lors d'une consultation ultérieure ; dans cette hypothèse, le devis à faire signer par le patient sera systématique, y compris si les honoraires sont inférieurs au seuil fixé. Que risquent les médecins « non transparents »? La loi a prévu que les contrevenants s'exposent à une pénalité financière «égale au dépassement facturé» (prononcée par la caisse locale, après avis d'une commission paritaire) . Une façon de rendre la peine proportionnelle à la « faute ».
Quant à l'Ordre, il est habilité à prononcer des sanctions disciplinaires en cas de dépassements contraires au « tact et mesure » (non quantifié même si l'usage des chambres ordinales le limite à deux ou trois fois le tarif conventionnel). Mais dans les faits, les affaires traitées par l'Ordre sont rarissimes. «Nous avons très peu de plaintes, explique le Dr André Deseur, délégué général à la communication de l'institution. En Seine-et-Marne par exemple, aucune plainte pour dépassement sur les deux années écoulées, et pourtant nous avons un gros quota de médecins en secteurII.» Ce responsable ajoute que les caisses locales n'informent pas l'Ordre des dossiers de dépassements abusifs qu'elles identifient et «ne nous saisissent pas».
Moindre mal.
En tout état de cause, l'explicitation des règles du jeu de la transparence tarifaire ne suscite pas de réactions outragées chez les médecins libéraux (lire ci-dessous). Certes, certains syndicats redoutent que s'installe dans certains cas un «climat de suspicion». Ils peuvent craindre des «amalgames» entre les pratiques déviantes minoritaires (abus caractérisés, dessous de table) et les dépassements légaux ou conventionnels. Ils objectent que des dépassements substantiels existent dans le secteur privé des hôpitaux publics, notamment à Paris. Mais sur le fond, cette exigence de transparence n'est pas contestée. Car l'essentiel est préservé : en ciblant les efforts sur l'information des patients, Roselyne Bachelot ne remet pas en cause l'existence du secteur II actuel. Interrogée par « La Croix » sur l'encadrement des dépassements dans les endroits où le secteur II est généralisé, la ministre calme même le jeu. «C'est une mesure qui serait très difficile à mettre en oeuvre.» Elle en appelle à l' «esprit de responsabilité» du corps médical. L'an passé, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) avait jugé que la situation des dépassements (2 milliards d'euros sur 19 milliards d'honoraires totaux) constituait un «obstacle à l'accès aux soins», puisque les deux tiers pèsent sur les ménages.
La question de l'accès aux soins dans les zones où le secteur II est incontournable repose en tout cas la question du futur secteur optionnel ouvrant droit à des compléments d'honoraires encadrés et remboursés. Suspendus depuis plusieurs mois, les contacts entre les trois partenaires concernés (assurance-maladie, complémentaires santé, médecins) auraient été discrètement renoués.
L'assurance-maladie veut plus de clarté
«Les dépassements d'honoraires sont devenus la règle: dans certaines zones, à Paris notamment, et dans certaines spécialités comme l'urologie, vous avez du mal à trouver des médecins qui ne pratiquent pas de dépassements», a déploré, sur France Inter, Marc Morel, directeur du CISS (Collectif d'usagers de la santé). Grâce à leur service téléphonique « Infosoins », les caisses d'assurance-maladie se proposent de participer elles aussi à la transparence des tarifs médicaux.
Comme l'avait déjà annoncé la ministre de la Santé en début d'année, la Sécu devrait compléter cette année les renseignements donnés aux patients sur l'ensemble de ses plateformes téléphoniques (« le Quotidien » du 8 janvier). Actuellement, les caisses fournissent aux patients qui appellent les coordonnées des professionnels exerçant à proximité de leur domicile. L'assurance-maladie leur donne aussi des indications sur le secteur d'exercice et, pour les médecins à honoraires libres, sur les tarifs des consultations à partir des feuilles de soins qu'ils remplissent : tarif repère (tarif le plus fréquent ou tarif médian) ou fourchettes de tarifs. Au printemps, les caisses commenceront à donner des indications sur les tarifs des actes dentaires. Puis, «à l'été», elles devraient être en mesure de préciser «les tarifs des actes médicaux techniques les plus fréquents», déclare au « Quotidien » Agnès Denis, directrice de la communication et du marketing à la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM). Les tarifs moyens qui ne sont pas significatifs – si le nombre d'actes techniques réalisés est trop faible – ne seront pas pris en compte. «L'enjeu, assure Agnès Denis, c'est qu'il n'y ait pas d'erreurs sur les tarifs et que l'on ne recommande aucun médecin par téléphone.» > AGNÈS BOURGUIGNON
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