Dimanche après-midi, près de 1 600 médecins libéraux (5 000 selon les organisateurs) se sont retrouvés aux abords du Sénat, à Paris, à l’appel du syndicat du BLOC et des « pigeons » de l’Union française pour une médecine libre (UFML). Les T-shirts à l’effigie des volatiles étaient nombreux, contrairement aux traditionnelles blouses portées par les internes, grands absents du cortège. Ceux des dentistes indiquaient : « On n’est pas des moutons ».
Pendant près de deux heures, tous ont foulé le pavé en direction du siège de la Mutualité. Soutenus par la Fédération des médecins de France (FMF) et la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), les libéraux ont protesté contre la proposition de loi (PPL) Le Roux visant à instaurer des réseaux de soins mutualistes et contre l’avenant 8 sur l’encadrement des dépassements d’honoraires. Deux « cadeaux » du gouvernement aux mutuelles, estime le Dr Philippe Cuq, coprésident du BLOC « extrêmement inquiet pour les patients ».
« D’une part, les complémentaires santé n’ont pas eu à s’engager sur le remboursement des dépassements d’honoraires, explique-t-il. D’autre part, la PPL Le Roux, votée à la hussarde, pose un problème éthique en remettant en cause le principe fondamental du libre choix du patient ». Quid des amendements votés à l’Assemblée qui assurent le contraire et excluent les réseaux avec les médecins de la pratique de remboursements différenciés et d’une régulation tarifaire (contrairement aux réseaux optiques et dentaires) ? « Cette loi n’est pas nette », maintient le chirurgien. « La Mutualité a la volonté d’imposer ses réseaux, on sent bien qu’il y a un risque pour notre profession », renchérit le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML, un des rares médecins généralistes présents dans la rue.
Pour Lamine Gharbi, président de la FHP-MCO, « c’est l’avenir de la médecine libérale qui est en jeu ».
Marisol, la camisole ou le formol ?
14 h 30, top départ. Les représentants syndicaux sont en tête de cortège. Derrière, on chante gentiment des requiem et des chansons de Noël arrangés pour l’occasion. « Marisol, les médecins en ont ras le bol, on va te mettre une camisole, pour toi ce sera le formol » Le mot « liberté » est sur toutes les lèvres. Liberté « de choix du praticien », « de prescription », « d’exercice » et « d’installation pour les jeunes ».
Dentistes et opticiens sont les plus remontés contre la PPL Le Roux. « C’est facile de dire que nous sommes chers ! enrage Catherine Orsenne, dentiste parisienne. ll y a 30 ans, le remboursement d’une couronne dentaire était de 77 euros. Aujourd’hui, il est de 75 euros. » Opticienne stéphanoise, Élodie craint que les mutuelles n’agissent comme les assurances (qui, avec les institutions de prévoyance, ont déjà le droit de constituer des réseaux) et pratiquent une forme « d’anti-concurrence » avec des « réseaux fermés ou le choix est limité, le remboursement différencié et l’opticien bridé ».
Le C à 23 euros ? Un « scandale »
Chez les autres contestataires, la grogne porte sur l’avenant 8. « Il faut comprendre que les dépassements d’honoraires nous servent à maintenir la qualité de notre pratique, estime le Dr Christian Noël, ophtalmologue à la Clinique des Cèdres, en banlieue grenobloise. Ils servent à la recherche et à la modernisation de nos cabinets libéraux ».
Pour le Dr Henri Hofmann, chirurgien cancérologue à la clinique parisienne Saint Jean de Dieu, « ce sont de tels dépassements qui nous permettent de soigner 30 % des patients au tarif opposable ». La consultation à 23 euros ? « Un scandale ». À ses côtés, un confrère opine du chef. À la retraite « dans trois semaines », il manifeste « pour être solidaire des copains ». Dans sa main, une pancarte : « par qui serez-vous opéré demain ? ».
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