David Bouillon, 27 ans de médecine générale et plus de 100 gardes annuelles, n'a pas doté la maison médicale de Ghlin, à Mons (100 000 habitants), d'une pharmacie solidaire par hasard.
Il y a deux ans, il a perdu un jeune patient. L'enfant avait 11 ans, il vivait dans un milieu très précarisé, où les médicaments sont un luxe qu'on ne s'offre pas. Il en est mort. « Mon combat est celui de l'accès d'urgence aux médicaments pour tous, explique-t-il. En Belgique, un patient qui n'a pas les moyens d'aller à la pharmacie peut demander l'aide des Centres publics d'action sociale (CPAS). Mais il faut y aller, faire la queue, constituer un dossier, attendre la réponse… Ça peut prendre des jours. La maladie, elle, n'attend pas. » Le généraliste collecte des médicaments non utilisés auprès de ses patients, des pharmacies, de ses confrères. « Tout le monde peut contribuer », dit-il.
Réfugiés, SDF, personnes âgées…
Dans un coin de la salle de consultation, des colis de la poste et des sacs de pharmacie remplis attendent d'être triés. « Nous avons plusieurs arrivages hebdomadaires », précise le praticien. Sur place, deux pharmaciens bénévoles contrôlent les médicaments et gèrent le stock. Ils évacuent les produits périmés ou non blistérisés, renvoyés en pharmacie pour destruction. Le reste rejoint les grandes armoires. « Cinq à dix fois par semaine », le Dr Bouillon y puise de quoi soigner les patients dans le besoin. Réfugiés, SDF, personnes âgées, familles… la demande ne manque pas, dans une région socialement abîmée. « J'ai parmi mes patients des familles si précarisées qu'elles remplacent les couches de leur bébé par du papier journal récupéré dans les boîtes aux lettres. C'est difficile à croire mais la pauvreté atteint ce type d'extrémités en Belgique. Nombreux sont ceux pour qui une ordonnance de 5 euros, c'est déjà trop », déplore-t-il. La pharmacie couvre toutes les urgences de médecine générale, pédiatrique et psychiatrique : antibiotiques, antidouleurs, antiacides, psychotropes… Mais aussi des produits comme du lait pour bébé et, bientôt, espère le médecin, des couches. Les médicaments sont délivrés uniquement par le Dr Bouillon : en Belgique, la loi interdit aux pharmaciens de récupérer et donner des médicaments non utilisés. Pas aux médecins. Du moins pas explicitement. L'Arrêté royal 78 leur permet en effet la délivrance « de médicaments dans les cas d'urgence ou, à titre gratuit, (...) des médicaments à usage compassionnel ». C'est sur ce passage que s'appuie le Dr Bouillon.
Pratique non officielle
Si la remise en service de médicaments « de seconde main » irrite fortement l'Association pharmaceutique belge (APB) et le ministère de la Santé, personne, pour l'heure, ne l'a mis en demeure. La Commission médicale du Hainaut, venue à sa demande contrôler le dispositif, lui a assuré n'avoir aucun élément valable pour l'empêcher. « C'est une pratique qui existe partout, il est temps de l'officialiser », plaide le Dr Bouillon. Son objectif : faire modifier l'arrêté royal pour autoriser, enfin, les pharmaciens à recycler, à des fins sociales, les médicaments non utilisés. En Belgique, on a détruit 520 tonnes de médicaments l'année dernière, dont une grande partie - difficile à estimer - n'était pas périmée. « Le combat est le même que celui des invendus alimentaires : c'est irresponsable de mettre à la poubelle des produits qui peuvent sauver des vies », s'insurge le médecin. En France, 12 000 tonnes de médicaments non utilisés ont été collectés et détruits en 2016.
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