Avastin, traitement antiangiogénique en cancérologie

Publié le 07/06/2006
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L E TRAITEMENT par Avastin s’attaque à une nouvelle cible, le Vegf (Vascular Endothelial Growth Factor), pour agir directement sur la vascularisation tumorale. L’utilisation du traitement anti-Vegf permet de limiter le développement de la vascularisation tumorale et d’agir en synergie des stratégies anticancéreuses habituelles.

La découverte du Vegf a représenté un jalon essentiel de cette recherche. C’est Judah Folkman, chirurgien américain, qui l’a inaugurée en 1971, en faisant remarquer la formidable prolifération des vaisseaux qui accompagne le développement des tumeurs cancéreuses. Son intuition est suivie par les observations, en 1989, de différents chercheurs, parmi lesquels on distingue le biologiste français J. Plouët.

Un autre biologiste, Napoleone Ferrara, découvre un facteur sécrété par les cellules endothéliales qui tapissent l’intérieur des vaisseaux et du coeur. En 1989, il en clone le gène et le nomme Vegf. Quatre ans après l’avoir isolé, le Dr Ferrara démontre chez l’animal que l’utilisation spécifique d’un anticorps anti-Vegf permet d’inhiber la croissance tumorale. C’est cet anticorps purifié et humanisé, le bévacizumab, qui est nommé Avastin.

Tumeur localisée et métastases

Il semble que l’angiogenèse soit un phénomène qui survient tôt au cours du processus tumoral et qui est observé ensuite à tous les stades de tumeur (tumeur localisée et métastases). Une surexpression du Vegf et de ses récepteurs est observée dans la plupart des cancers, les hémopathies malignes, les lymphomes et les tumeurs solides. Elle est corrélée à des facteurs pronostiques négatifs.

Le bévacizumab est un anticorps monoclonal IgG1, recombinant, humanisé à 93 %, produit par la technique de l’ADN recombinant dans des cellules d’ovaire de hamster chinois.

Les études de développement montrent qu’Avastin crée une liaison de haute affinité avec le Vegf et inhibe de ce fait la liaison du Vegf à ses récepteurs, Flt-1 (Vegfr-1) et KDR (Vegfr-2), situés à la surface des cellules endothéliales.

La neutralisation de l’activité biologique du Vegf réduit la néovascularisation des tumeurs ; elle inhibe ainsi la croissance tumorale et limite la dissémination métastatique.

En 2003, les données de l’étude de phase III, menée avec Avastin associé à une chimiothérapie en traitement de première ligne dans le cancer colo-rectal métastatique, montrent des résultats statistiquement significatifs, avec un gain sur la survie globale et sur le temps, sans progression de la maladie. Ces nouvelles font l’objet d’une publication remarquée dans le « New England Journal of Medicine » en 2004.

Avastin vient d’être mis à la disposition des oncologues français en septembre 2005, dans l’indication du «traitement de première ligne chez des patients atteints d’un cancer colo- rectal métastatique, en association à une chimiothérapie intraveineuse 5-fluorouracile-acide folique avec ou sans irinotécan» (Vidalpro 2006).

Des études sont engagées dans d’autres indications : le cancer du rectum en situation néoadjuvante, les cancers bronchiques non à petites cellules, les cancers du rein métastatiques, les cancers métastatiques du pancréas et les cancers métastatiques du sein. Des résultats préliminaires confirment l’efficacité du produit. Par exemple, les résultats d’une étude menée chez des patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules non squameux à un stade avancé, présentés en mars dernier, ont montré un allongement significatif de la survie.

Développement dans le cancer colo-rectal

En France, un programme de développement est en cours de réalisation dans le cancer colo-rectal. Avec plusieurs objectifs. D’abord, intégrer Avastin dans la stratégie de traitement du cancer colo-rectal comme médicament additif à la chimiothérapie de première ligne et de l’évaluer lors de phases III internationales, en association aux trois schémas thérapeutiques les plus utilisés (fluoropyrimidine seule ; fluoropyrimidine en association à oxaliplatine (Folfox) ; fluoropyrimidine en association à irinotécan (Folfiri). Ensuite, on recherche de nouvelles données sur l’association d’Avastin à d’autres schémas de chimiothérapies (telles que Xeloda/Xelox/Xeliri) et à d’autres thérapies ciblées (telles que le Tarceva). Enfin, on évalue l’efficacité et la tolérance d’Avastin « dans la vraie vie », au sein de la large étude de cohorte suivie en France.

Avastin est un anticorps monoclonal dirigé spécifiquement contre le Vegf. Son utilisation n’est donc pas suivie des effets secondaires habituellement observés avec les chimiothérapies classiques, parmi lesquels l’alopécie, les nausées et vomissements et les troubles hématopoïétiques. En outre, ce traitement anti-Vegf concerne les cellules endothéliales, cellules stables sur le plan génétique, contrairement aux cellules cancéreuses génétiquement instables et exposées à de nombreuses mutations. En effet, à ce jour, il n’a pas été décrit de phénomène de résistance avec Avastin. Avastin, anti-Vegf administré par voie intraveineuse, est au contact direct de sa cible, le Vegf.

Un ensemble de données qui laissent augurer d’un avenir prometteur dans de nombreuses indications en oncologie.

Dr BEATRICE VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7974