Le gouvernement réfléchit à s'appuyer sur une application mobile pour identifier les chaînes de contamination du Covid-19 et ainsi limiter la propagation du virus, selon un entretien accordé au « Monde ». En insistant sur le principe du volontariat, au cœur de ce projet.
StopCovid, nom de cette application née d'un partenariat public-privé, sous l'égide de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), permettrait de prévenir les personnes qui ont été en contact avec un malade testé positif. Ces dernières seront incitées à se faire tester, se confiner, ou à être pris en charge précocement. Ces travaux s'inscrivent plus largement dans le cadre d'un projet européen (PEPP-PT) mené en coopération avec l'institut allemand Fraunhofer Heinrich Hertz et l'École polytechnique fédérale de Lausanne, en Suisse.
Bluetooth et anonymisation des données
« L’application est installée volontairement ; lorsque deux personnes se croisent pendant une certaine durée, et à une distance rapprochée, le téléphone portable de l’un enregistre les références de l’autre dans son historique. Si un cas positif se déclare, ceux qui auront été en contact avec cette personne sont prévenus de manière automatique », explique Cédric O. L'application fonctionnerait à l'aide du bluetooth, dont 8 Français sur 10 seraient actuellement équipés. « Elle ne géolocalisera pas les personnes. Elle retracera l’historique des relations sociales qui ont eu lieu dans les jours précédents, sans permettre aucune consultation extérieure, ni transmettre aucune donnée », précise le secrétaire d'État. « Les données seraient anonymes et effacées au bout d’une période donnée. Personne n’aura accès à la liste des personnes contaminées, et il sera impossible de savoir qui a contaminé qui », insiste-t-il. Autres garanties avancées par les responsables politiques : le code informatique sera public, le projet, soumis à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), et limité dans le temps à la durée de la crise sanitaire.
Plusieurs inconnues demeurent quant à la faisabilité et l'efficacité du dispositif : notamment le nombre suffisant de Français qui devraient avoir téléchargé l'application, la possibilité pour la technologie bluetooth de mesurer finement la distance entre individus, ou encore la capacité des citoyens de pouvoir se faire tester. Cédric O met en garde contre l'image d'une « application magique qui permettrait de tout résoudre. Il y a une incertitude technologique, et ce n’est qu’une brique optionnelle dans une stratégie globale de déconfinement », dit-il.
Les garde-fous du Comité d'éthique du numérique
Le Comité national pilote d'éthique du numérique, mis en place en décembre dernier sous l'égide du Comité consultatif national d'éthique, a publié en parallèle ce 7 avril son premier bulletin de veille sur les enjeux éthiques en période de crise sanitaire aiguë. La réponse à une auto-saisine suscitée par les « questions éthiques immédiates liées à l’accroissement ou à l’évolution des usages du numérique », en cette période de Covid-19, lit-on.
Il y déconseille clairement des mesures obligatoires de suivi individuel, qui ne manqueraient pas de « produire un effet inverse à celui qui est visé en induisant des comportements de désaccord, par exemple la déconnexion du système de suivi durant les déplacements ».
Consentement et limitation de la durée
Le comité, dirigé par Claude Kirchner, directeur de recherche émérite INRIA, pose trois séries de garde-fous à la mise en place d'un suivi sanitaire de la population sur le principe du volontariat. D'abord, le consentement libre et éclairé des personnes doit être garanti (une préoccupation déjà au cœur du dernier avis du CCNE sur le Big Data).
Puis, pour éviter toute banalisation du suivi individuel, la durée de la mesure doit être strictement limitée en fonction des objectifs poursuivis. Et les autorisations de suivi doivent être automatiquement désactivées par la suite.
Enfin, la qualité des mesures de suivi, leur sécurité et traçabilité doit être assurée. Le Comité recommande donc d'évaluer régulièrement les critères d'efficience des mesures, de prévenir tout mésusage, de permettre aux personnes de signaler une erreur, voire d'initier un recours en cas de préjudice, d'assurer la réversibilité d'un engagement et l'effacement des données, et de faire certifier et auditer les applications par les autorités publiques.
Plus largement, le Comité rappelle les principes de loyauté, transparence, minimisation et proportionnalité qui doivent présider à toute collecte de données personnelles, faute de quoi toute mesure de suivi sera reçue avec la plus grande défiance par le public.
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