Publiées à l’occasion de la Journée mondiale contre les hépatites virales, les premières recommandations françaises (disponibles sur www.sante.gouv.fr, www.anrs.fr et www.afef.asso.fr) sur la prise en charge des personnes infectées par le VHB et par le VHC marquent un tournant dans un contexte de progrès thérapeutiques sans précédent, notamment pour ce qui est du traitement de l’infection à VHC.
Marisol Touraine qui en a fait la demande en janvier 2013, et à qui le rapport a été présenté la semaine dernière, a d’ailleurs estimé dans un communiqué qu’il s’agissait d’une « étape importante » qui va permettre d’accélérer la lutte contre une « épidémie silencieuse », responsable chaque année de 4 000 décès et qui touche 500 000 personnes.
La ministre des Affaires sociales et de la Santé, qui assiste aujourd’hui à l’ouverture de l’Assemblée mondiale de la santé organisée par l’OMS, a d’ailleurs indiqué que les orientations du rapport « sont en cohérence avec la Stratégie nationale de santé » qu’elle souhaite mettre en œuvre : prévention, lutte contre les inégalités (sociales et territoriales), réorganisation profonde du système de santé, soutien à l’innovation. « Les hépatites qui sont au cœur de ces problématiques peuvent constituer une sorte de laboratoire », a d’ailleurs indiqué le Pr Pierre Czernichow, spécialiste de santé publique (hôpital Charles Nicolle, Rouen).
Un laboratoire pour la Stratégie nationale de santé
Le rapport qui est un peu le pendant des recommandations sur la prise en charge du VIH/sida régulièrement actualisées depuis 1990, a été coordonné par le Pr Daniel Dhumeaux (CHU Henri Mondor, Créteil) sous l’égide de l’ANRS (France Recherche Nord&sud Sida-hiv hépatites) et l’AFEF (Association française pour l’étude du foie).
Élaboré par pas moins de 22 groupes d’experts, validé par un comité indépendant composé de scientifiques et de représentants du monde associatif, il insiste sur le renforcement de la prévention, du dépistage et la prise en charge des personnes infectées notamment dans les groupes les plus vulnérables (usagers de drogues, migrants issus des zones d’endémicité élevées, personnes détenues, homosexuels) et dans les régions à forte prévalence comme les régions d’Outre mer. « Le rapport fait des propositions concrètes » dans ce sens ; leur mise en œuvre dépendra de « la capacité des acteurs régionaux à adapter les réponses à la situation régionale », souligne le Pr Pierre Czernichow.
Vaccination contre l’hépatite B et lutte contre l’alcool
Le Pr Victor de Lédinghen (CHU de Bordeaux), secrétaire de l’AFEF, insiste sur la prévention. « Les hépatites virales exposent à trois sortes de risque : la cirrhose, le cancer et la transplantation hépatique. La majorité des patients qui font une complication ont un ou plusieurs facteurs aggravants associés au premier rang desquels, l’alcool », précise-t-il. Le diabète, l’hypertension artérielle, la surcharge pondérale mais aussi la co-infection par le VIH figurent parmi les autres facteurs aggravants.
« La plupart de ces facteurs peut être prévenue », rappelle-t-il. La vaccination contre l’hépatite B est l’autre priorité des recommandations. « Si aujourd’hui 80 % des nourrissons sont vaccinés - nous avons comblé le retard par rapport aux autres pays -, moins de la moitié des adolescents et pré-adolescents le sont », déplore le Pr Daniel Dhumeaux. « Il est inacceptable que cette vaccination parfaitement tolérée, sans effets indésirables ne soit pas largement appliquée », poursuit-il. « Il faut profiter de tout contact avec un médecin ou une structure d’accueil pour (la) proposer aux enfants, adolescents et personnes exposés », souligne le rapport qui en appelle notamment aux médecins généralistes.
Dépistage élargi, TROD
Avec les progrès thérapeutiques, dépister les personnes infectées devient essentiel. En effet, notent les experts, les « insuffisances dans le dépistage conduisent à une perte de chance », ce qui est aussi « inacceptable ». En France, la moitié des 300 000 personnes atteintes d’hépatite B et un tiers des 200 000 personnes atteintes d’hépatite C ignorent leur statut.
Le rapport recommande la poursuite du dépistage ciblé actuel en fonction des facteurs de risque de contamination mais en renforçant l’information à la population et aux médecins généralistes (dans le cadre du contrat d’objectifs). Il préconise aussi d’élargir le dépistage aux hommes âgés de 18 à 60 ans (au moins une fois dans leur vie) et aux femmes enceintes dès la première consultation prénatale (au lieu du 6e mois), en couplant le dépistage du VHB et du VHC à celui du VIH.
Pour mieux atteindre les personnes ne fréquentant pas ou peu les structures de soins classiques, un recours aux tests d’orientation diagnostique (TROD) du VHB et du VHC est recommandé. « Les TROD VHC ont été validés par la Haute Autorité de santé, il y a 3 jours », annonce le Pr Dhumeaux qui salue l’avancée en ce domaine (l’autorisation pour les TROD VHB est en cours - en précisant qu’ils n’ont pas vocation à « être utilisé en routine par le médecin généraliste » mais bien d’un outil supplémentaire comme dans le cas du VIH avec comme corollaire l’intervention et la formation d’intervenants non médicaux.
Traiter en priorité les patients ayant une fibrose significative
Le point d’orgue de ces recommandations et celui sans doute qui fera débat, reste la prise en charge thérapeutique. Dans le cas de l’hépatite B, même s’il n’est pas question de guérison, les progrès permettent aujourd’hui de mieux contrôler l’infection. En revanche, les avancées dans le traitement des hépatites C sont considérables. « Les nouvelles combinaisons de molécules à activité antivirale directe, per os, permettent de s’affranchir de l’interféron avec une efficacité très élevée quel que soit le type de patients avec cirrhose ou sans, co-infecté ou non par le VIH », souligne le Pr Dhumeaux. Le tout avec des durées de traitement courtes : 3 mois.
Le hic : « Le coût exorbitant de ces traitements », déplore le Pr Dhumeaux. Des coûts si élevés que les experts ont renoncé, au vu des études coût-efficacité à l’objectif, qui à terme « pourrait être de traiter l’ensemble de personnes atteintes d’hépatite C, en visant l’éradication virale ». Le rapport suggère de traiter en priorité les patients ayant au moins une fibrose significative (stade de fibrose supérieur ou égal à F2 évalué par une biopsie du foie ou beaucoup plus souvent maintenant par des tests non invasifs) et, quel que soit le stade de fibrose, les patients ayant des manifestations extra-hépatiques ou en attente de transplantation, les femmes ayant un désir de grossesse, les usagers de drogues et les personnes détenues.
Le paradoxe du médecin
Les coûts sont encore en phase d’arbitrage serait en moyenne de 50 000 euros par patient (cure de 3 mois pour une seule molécule) et jusqu’à 80 000 pour une combinaison de molécules. « Le paradoxe pour nous médecins est de disposer aujourd’hui des traitements dont on avait rêvé : une ou deux molécules administrées pendant peu de temps permettent d’éradiquer le virus et de ne pas pouvoir les proposer à tous les patients », regrette le Pr Jean-François Delfraissy.
S’il conçoit que les fonds investis dans la recherche par l’industrie pharmaceutique puissent être rentabilisés, le directeur de l’ANRS veut pousser la réflexion plus avant : « Peut-être est-ce l’occasion de s’interroger sur le juste prix des médicaments ».
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