Lancé en février, un nouveau module sur la santé environnementale deviendra obligatoire au cours du premier cycle dans les 36 facultés de médecine à la rentrée universitaire 2023. « Les étudiants en médecine sont concernés à double titre en tant que futures soignants et représentant de potentiels acteurs de sensibilisation auprès des populations », souligne la Dr Marine Sarfati, coordinatrice et co-responsable pédagogique du projet.
La cheffe de clinique en rhumatologie et assistante aux hôpitaux de Lyon avait déjà mis sur les rails en octobre 2021 une unité d’enseignement libre santé-environnement à la faculté de Lyon-Est. Après la publication du rapport ministériel Jouzel-Abbadie en février 2022 « Sensibiliser et former aux enjeux de la transition écologique et du développement durable dans l’enseignement supérieur », elle se lance dans la création d’un module national en médecine, avec le soutien du Pr Jean Sibilia, alors président de la conférence des doyens des facultés de médecine, et du Pr Gilles Rode, doyen de la faculté de médecine de Lyon-Est.
Sa feuille de route : un enseignement court, compte tenu de la densité des programmes actuels, et facile à implanter partout. Défi risqué mais… relevé ! Six heures en format numérique, livrées clé en main sur la plateforme de l’Université numérique en santé et sport (Uness) à laquelle toutes les facultés de médecine sont abonnées.
Contenu pluridisciplinaire
Le second co-responsable pédagogique, Raphaël Guttières, est aussi coordinateur scientifique de l’institut de transition environnementale de Sorbonne Université : « Étant donné la complexité des liens entre santé et environnement, nous avons fait le choix d’aller chercher des experts de tous bords - médecine, biologie, écologie, urbanisme, hydrologie, paléontologie, ingénierie, sciences de gestion, sciences politiques - qui s’expriment dans de courtes capsules vidéo de 15 à 20 minutes permettant d’accéder à une vision systémique reposant sur la compréhension des interconnexions. »
Les capsules vidéo sont regroupées en quatre blocs thématiques. Le bloc A « Approches de la santé » montre la nécessité d’une évolution de la vision anthropocentrée du système de santé actuel. Le bloc B « Limites planétaires et santé » détaille les limites planétaires et leur lien avec la santé humaine. Le bloc C « Environnement santé et société » fait appel à des notions d’histoire et de philosophie. Et le bloc D « Leviers d’actions » propose des clés pour limiter son impact environnemental en tant que soignant et citoyen. La conclusion aborde les freins neurocognitifs au changement face à la crise environnementale et les notions d’écoanxiéte et de solastalgie, cette détresse psychologique causée par les changements environnementaux.
Des étudiants pilotes
Diversité encore dans les supports pédagogiques : interviews réalisées par des étudiants pilotes, tables rondes, jeu interactif, QCM obligatoires à la fin de chaque vidéo, questionnaires facultatifs pour suivre l’évolution personnelle de l’étudiant (connaissances, comportement, émotions).
Le module ne serait pas ce qu’il est sans l’intervention des sept étudiants en médecine (quatre de Lyon-Est, deux de Paris Sorbonne et une de Paris Cité). Pour eux, l’enjeu environnemental est celui de leur génération. Tous avaient déjà suivi des enseignements à Lyon ou s’étaient engagés dans des associations (comme Pitié Saint-Antoine Green). Sensibles aux destructions environnementales, ils se disent très heureux d’avoir été sollicités pour donner de leur énergie au projet : rédaction des questions d’interview, tournage en studio à Lyon ou Paris, toujours en délivrant des messages positifs.
Les étudiants rapportent avoir été interpellés par les échanges avec Clément Crozet d’Alliance santé planétaire, ingénieur en écologie, Arthur Keller, spécialiste des risques systémiques et des stratégies de résilience, Albert Moukheiber, psychologue clinicien et docteur en neurosciences sur les freins neurocognitifs au changement, ou encore Marc-André Selosse, biologiste au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). Les étudiants disent aussi être interpellés par leurs pairs après la formation : « Je ne connaissais pas tout cela ! J’étais à côté de la plaque ! Je prends conscience et suis sous le choc ! Quel sera notre métier de médecin ? L’urgence au quotidien ? ».
Et si les heures d’interviews ne semblent pas avoir alourdi leur planning étudiant, il influencera leurs choix professionnels futurs : médecine générale pour les uns afin d’être proches des gens et d’agir dans les territoires, choix d’une spécialité qui fait appel le moins possible à des techniques pour d’autres, ou encore formations complémentaires (médecine intégrative, phytothérapie, sciences sociales, etc.).
Une expérimentation en cours
Sans attendre septembre, dès le second semestre, le module est expérimenté dans sept facultés. « À Brest, à la demande de la directrice d’UFR, la Pr Béatrice Cochener, après la présentation en conférence des doyens, j’ai proposé le module au comité pédagogique de la faculté qui a tout de suite donné son aval. Et sur le plan technique, aucun frein à son implantation sur notre plateforme », s’enthousiasme la Dr Nathalie Douet-Guilbert, biologiste médicale au CHU. Elle présente le module, non obligatoire mais recommandé, aux étudiants de 3e année qui avaient un mois complet pour le réaliser au moment souhaité. « Il y a eu une forte adhésion, 150 étudiants sur 217 ont participé. La moitié a réalisé l’intégralité. Cela dépasse nos attentes, fixées à 30 % ! », s’exclame l’enseignante-chercheuse.
Changement d’échelle à l’université Paris Cité où le module a été intégré, donc obligatoire, aux enseignements du second semestre, pour les 879 étudiants en deuxième année et les 903 en troisième. « Une prouesse ! », se rappelle la Dr Florence Brunet-Possenti, dermatologue à l’hôpital Bichat (Paris). Les étudiants ont trois mois pour suivre l’enseignement. Le responsable pédagogique observe l’avancement et valide le module. « Je suis étonnée du niveau d’exigence des questions des QCM et ravie que des gros effectifs de jeunes années soient au contact des idées expliquées par des experts pour qu’ensuite la santé environnementale irrigue chaque spécialité en évitant à tout prix de créer une filière spécifique ; ne créons pas un nouveau silo au moment où l’on cherche, par ce module, à les réduire », insiste la MCU-PH. Pour le futur, chaque équipe pédagogique réfléchit à des sessions en présentiel pour que les étudiants puissent échanger leurs réflexions et émotions et poser des questions à des interlocuteurs privilégiés.
Un réseau en construction
Sur le territoire, nombreux sont les professeurs, les maîtres de conférences, les praticiens hospitaliers qui implantent la santé environnementale in situ dans leurs spécialités, à Nantes, à Marseille ou encore en soins primaires à Montpellier-Nîmes. D’où l’idée de la Dr Sarfati de former un grand réseau d’enseignants-référents qui donnerait une vision approfondie de ce qui se passe dans les facultés avec le projet de réaliser des modules spécialisés.
Le module séduit d’autres filières de santé, notamment en odontologie, et les vétérinaires, et, hors hexagone, les facultés de la francophonie (Canada, Afrique…) sont partantes. De plus, la plateforme de l’Uness proposera le module en formation libre à laquelle quiconque pourra s’inscrire tandis que les vidéos sont disponibles désormais sur la chaîne YouTube « Médecine et Santé environnementale ».
encadré
Des enseignements libres et complémentaires voient le jour
Un Mooc « Mieux connaître les liens entre les facteurs environnementaux et les maladies pour mieux les prévenir », co-fondé par l’université Paris Cité et le Learning Planet Institute, repose sur le visionnage de neuf capsules vidéo. Inscription à la première session ouverte depuis le 5 mai 2023, sur la plateforme France Université Numérique Mooc (FUN Mooc), jusqu’au 15 juillet 2023.
Un DIU « Santé Environnement », co-porté par les Universités de Paris-Est Créteil et Paris Cité, est ouvert à tous les professionnels de santé. Renseignements : osu@u-pec.fr.
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