Le médecin généraliste, relais de prévention de l’exposition aux écrans

Publié le 03/06/2022
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Parce que l’omniprésence des écrans dès le plus jeune âge, et souvent pour imiter les adultes, peut être délétère sur l’apprentissage du langage, des jeunes médecins ont mis en place des sites d’information qui peuvent devenir des relais de prévention en consultation. Ecranclic.com et declic-ecrans.com sont une mine d’informations et de fiches qui permettent d’amorcer une discussion avec les parents d’enfants de tout âge

Prévention écran

Difficile en tant que médecin de ne pas être sensible au nombre grandissant d’accompagnants qui « collent » leurs enfants devant un smartphone en salle d’attente ou aux adolescents qui passent la consultation à jouer sur écran. Les jeunes médecins généralistes sont de plus en plus sensibles à cette omniprésence des écrans dès le plus jeune âge et souvent parce qu’ils sont aussi parents.

C’est l’une des raisons qui a incité plusieurs doctorants à se pencher sur la question. En 2017, le Dr Manon Collet a été l’une des premières : « une de mes maîtres de stage, qui était sensibilisée au sujet de la prévention des écrans m’a conseillé d’interroger systématiquement les enfants sur leur consommation d’écrans lorsque je les recevais pour des consultations de prévention comme lors des demandes de certificats sportifs », explique-t-elle.

C’est ce qui lui a donné l’idée de son travail de thèse sur l’impact de la surexposition aux écrans dans le développement du langage (1). Ce travail a eu pour finalité de comparer le temps passé devant un écran et le risque de consultation auprès d’un orthophoniste pour troubles primaires du langage (276 familles d’enfants âgés de 3,5 à 6,5 ans, en Ille-et-Vilaine). Résultat : un enfant qui était exposé aux écrans le matin avant d’aller à l’école serait trois fois plus à risque de développer des troubles primaires du langage. En outre, un enfant qui ne discutait que rarement voire jamais du contenu visualisé sur les écrans avec ses parents serait, pour sa part, deux fois plus à risque de développer des troubles primaires du langage.

Comment le médecin généraliste pourrait devenir un acteur de prévention sur ce versant ? Du fait de la relation de confiance qu’il noue avec ses patients, il est en première ligne pour transmettre les informations aux jeunes parents. Pour le Dr Collet, « il est important d’initier cette prévention aux mésusages des écrans avant même la naissance du bébé pour inciter à adapter son mode de vie à la venue de l’enfant. L’information doit donc être régulièrement apportée aux familles en adaptant aux besoins et à l’âge de l’enfant, au vécu et aux attentes de la famille ».

Comment faire passer au mieux l’information aux familles ? C’est le thème qu’a pour sa part choisi le Dr Gauthier Duret dans sa thèse passée en 2021 (2) et dirigée par le Dr Marie Catherine Reboul. L’idée était de proposer aux médecins six fiches d’information permettant de faciliter la prévention de la surexposition aux écrans chez les enfants de 0 à 18 ans, disponibles facilement sur un site (delic-ecrans.com ou ecranclic.com). 650 parents et 450 professionnels de santé ont participé à l'élaboration du contenu et de la présentation de ces fiches qui sont traduites en quatre langues pour permettre de sensibiliser les populations non francophones.

Afin de répondre aux principales interrogations des parents, des articles complémentaires ont été rédigés. En pratique, le Dr Duret propose « d’utiliser le principe du "Conseil Minimal Écrans" en débutant par une question générale et ouverte aux parents (et aux enfants si l'âge le permet) de type : "Comment utilisez-vous les écrans dans votre famille au quotidien ?" (Type d'écrans, pièces de la maison, moments de la journée, durée…). Ensuite, après avoir imprimé une fiche conseil adaptée à l’âge, il estime essentiel « un temps de discussion autour de points clés (exemple : "avant 3 ans, on évite les écrans", "pas le matin ni pendant les repas", "des programmes adaptés à mon âge"… ) ». Reste à trouver la bonne attitude en n'étant pas culpabilisant, en n’imposant pas de changer les habitudes familiales du tout au tout en quelques jours et en ne surchargeant pas d'informations.

La règle des « 4 pas »

On pourra aussi s'inspirer des recommandations de la psychologue Sabine Duflo qui s’est inspirée des recommandations de l’académie américaine de pédiatrie. La règle qu'elle propose, qui doit être détaillée par le médecin, s’adapte à tous les membres de la famille et à tous les instants de vie.

- Pas d’écran le matin : car l’écran va épuiser l’attention de l’enfant dès le matin, or il en aura besoin pour tous les apprentissages du reste de sa journée.

- Pas d’écran pendant les repas : car c’est un moment important à partager en famille. De plus, si le cerveau est occupé par l’écran il ne se concentre plus sur son assiette et le sentiment de satiété sera retardé.

- Pas d’écran avant de s’endormir : car l’écran va stimuler le cerveau qui a pourtant besoin de redescendre en température et en excitation pour induire un sommeil réparateur.

- Pas d’écran dans la chambre de l’enfant : car cela échappe au contrôle parental, que ce soit en termes de durée passée devant l’écran, que du contenu visualisé et du risque d’empiéter sur le sommeil.

Collet M. L’exposition aux écrans chez les jeunes enfants est-elle à l’origine de l’apparition de troubles primaires du langage ? Une étude de cas-témoins en Ille-et-Vilaine. 2017
 (2) Duret G. Avis de 229 parents d’enfants de 0 à 18 ans sur l’utilité de recevoir un outil d’information concernant la surexposition aux écrans chez les enfants lors des consultations, en complément d’une information orale. 2021
Exergue : Les jeunes généralistes sont de plus en plus sensibles à cette omniprésence des écrans dès le plus jeune âge

Dr Isabelle Catala

Source : Le Quotidien du médecin