Des biologistes se sont vivement alarmés vendredi des travaux « dangereux » menés par des scientifiques chinois qui ont créé dans leur laboratoire un virus hybride de la grippe aviaire ayant le « potentiel » de muter encore pour contaminer l’homme. Dans l’étude publiée dans « Science », les chercheurs sont pour la première fois parvenus à combiner le matériel génétique du virus de la « grippe aviaire » H5N1 et celui de la pandémie « H1N1 » pour donner naissance à un réassortant qui peut se transmettre aux mammifères (cobayes).
« Les virus aviaires de sous-type H5N1 ont le potentiel requis pour devenir transmissibles aux mammifères », écrivent les chercheurs chinois dans leur étude. Des virus hybrides de la grippe peuvent naître naturellement, lorsque deux souches différentes mais similaires infectent la même cellule et procèdent à un échange de matériel génétique, produisant ainsi un « virus réassorti ». Il n’y a cependant aucune preuve, à l’heure actuelle, que les souches H1N1 et H5N1 aient procédé à un tel échange.
Un début de polémique
Certains spécialistes s’inquiètent des conséquences de l’expérimentation chinoise et redoutent justement que des scientifiques ne donnent le coup de pouce nécessaire à la nature pour créer des mutants potentiellement incontrôlables. « Ce sont des virus créés par l’homme, ils n’ont jamais été fabriqués par la nature. Ils sont conservés dans un congélateur », a expliqué à l’AFP le virologue Simon Wain-Hobson, de l’Institut Pasteur. Et même si on ignore encore en quoi cet hybride pourrait affecter les humains, « il pourrait s’agir de virus pandémiques », souligne-t-il. « Autrement dit, si quelqu’un commettait une erreur, ou qu’il y ait une fuite ou quelque chose de ce genre, le virus pourrait contaminer les gens et provoquer entre 100 000 et 100 millions de morts », insiste M. Wain-Hobson. Selon lui, l’intérêt scientifique de la recherche ne se justifie pas en regard des risques potentiels. Ils estiment en effet que la création d’un tel virus OGM contribue peu à la recherche d’un vaccin ou d’un traitement, qui prendrait des années et ne serait sans doute pas au point avant la survenue d’une épidémie. « On ne fait pas ce genre de choses à moins d’y être poussé par une extrême nécessité », tranche Robert May, ancien président de l’académie des sciences britannique, qui s’inquiète des « fuites répétées » dans certains laboratoires, en Chine ou ailleurs. Simon Wain-Hobson de rappeler comment la fuite d’une souche de fièvre aphteuse, maladie virale qui ne touche heureusement que le bétail, a provoqué une épizootie en Grande-Bretagne en 2007. John Oxford, virologue à l’Université Queen Mary de Londres, estime quant à lui que cette étude a le mérite de réveiller la communauté scientifique. Pour lui, ce virus OGM montre que les deux souches de grippe peuvent effectivement échanger des gènes et représenter une menace. « Tôt ou tard, un individu sera infecté par les deux souches, c’est statistique », prévient-il. « Il faut nous réorganiser, réviser nos plans de lutte contre les pandémies et nous assurer que nous avons des stocks de vaccins contre le H5N1 », déclare John Oxford.
Le précédent du virus artificiel
Les recherches sur la transmission du virus de la grippe aviaire a déjà donné lieu à polémique, ce qui avait conduit les scientifiques à décider d’un moratoire à l’issue duquel ils avaient estimé que les bénéfices d’une telle recherche dépassait les risques. Le Bureau national américain de la science pour la biosécurité (NSABB), craignant un risque de bioterrorisme, avait demandé aux revues « Science » et « Nature » de surseoir à la publication des études de Ron A. M. Fouchier et Yoshiriro Kawaoka qui avaient mis en évidence des mutations susceptibles de faciliter la transmission du virus.
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