Il n’existe pas de mesure quantitative, au niveau mondial, de la consommation d’antibiotiques pour l’élevage industriel. Le Dr Thomas Van Boeckel, épidémiologiste à l’université de Princeton, et ses collègues, ont tenté de combler ce manque dans une étude publiée dans les « PNAS », en projetant l’évolution des niveaux de consommation relevés dans les 32 pays développés (les seuls où de telles données sont disponibles) sur les autres pays producteurs de viande. Ils ont ainsi établi une prévision des consommations d’antibiotiques pour les années 2020 à 2030.
105 000 tonnes d’antibiotiques en 2030
Selon leurs calculs, les consommations actuelles d’antimicrobiens dans le monde étaient de 45 mg par kg de viande de bœuf produite, de 148 mg par kg de volaille et de 172 mg par kg de viande de porc. À partir de ces chiffres, ils estiment que l’élevage captera plus de 105 000 tonnes d’antibiotiques en 2030, soit une augmentation de 67 % par rapport à 2010. Les élevages asiatiques consommeront à eux seuls près de 52 000 tonnes d’antibiotiques.
Environ un tiers (34 %) de cet accroissement de la consommation sera vraisemblablement dû à un changement des pratiques dans les pays à revenus intermédiaires, qui passent progressivement d’élevages extensifs vers une pratique de l’élevage intensif où les antibiotiques sont couramment utilisés de manière prophylactique afin d’améliorer les rendements.
Le reste de cette hausse devrait être entraîné mécaniquement par l’augmentation des populations animales. Les pays qui connaîtront les plus fortes augmentations devraient être les pays des BRICS : le Brésil, la Fédération de Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, avec des hausses de 99 % de consommation d’antibiotiques, une augmentation environ sept fois supérieure à celle des populations de ces mêmes pays.
La fringale de protéines des pays en voie de développement
En Asie, les consommations d’antibiotiques par les élevages de poulets et de porcs devraient augmenter de respectivement 129 et 124 % d’ici à 2030, selon les projections présentées dans l’étude. Les élevages chinois accapareront à eux seuls 30 % de la production globale d’antibiotiques.
Les pays ayant un revenu faible ou intermédiaire sont en effet en train d’opérer une véritable révolution alimentaire, qui se traduit par « une croissance sans précédent de la demande en protéines animales », explique le Dr Thomas Van Boeckel. En Asie, la consommation de protéines animales est ainsi passée de 7 grammes par personne et par jour à 25 grammes, et tout suggère que l’ascension va se poursuivre.
Le spectre de l’antibiorésistance
« Il faut questionner les conséquences du développement irréfréné de l’utilisation d’antibiotiques vétérinaires, s’inquiète les auteurs, ces pratiques contribuent à répandre des mécanismes de résistances aux traitements, à la fois chez les pathogènes animaux et humains, ce qui fait peser une menace sur la santé publique. » Plusieurs études ont montré l’existence d’une corrélation entre les niveaux d’antibiorésistance observés chez les animaux d’élevage et ceux observés chez l’homme. Par ailleurs, une étude réalisée dans sept pays européens et publiée en 2013 dans le « Journal of antimicrobial chemotherapy » montre que la prévalence d’Escherichia coli commensales multirésistantes est directement impactées par les niveaux d’utilisation de huit classes d’antibiotiques.
En Europe, la carte dessinée par les auteurs relève une consommation très importante d’antibiotiques dans les régions pratiquant l’élevage intensif de poulets et de porcs. Ainsi, la Bretagne consomme actuellement plus de 250 kg d’antibiotiques par unité standardisée de population de porcs.
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