Polémiques, fake news, mouvement antivax, les dérives lors de la pandémie ont mis une lumière crue sur le niveau des connaissances scientifiques des Français. Le choix de la science est-il une évidence ? À cette question posée lors d’un colloque organisé par le laboratoire Pfizer, chercheurs, médecins et associations de patients ont souligné la nécessité de vulgariser la science auprès du plus grand nombre, en particulier des jeunes générations.
Lors de la pandémie, les controverses sur les plateaux télé et les réseaux sociaux ont entaché la confiance dans la science en France. « Une communication spectacle plutôt que d’information » a pu rendre complexe la compréhension de la maladie et des développements en cours, analyse Christophe d’Enfert, directeur scientifique de l’Institut Pasteur.
« Sur les mêmes canaux, ont circulé à la fois des connaissances, des croyances, des commentaires et des bobards », déplore le physicien directeur de recherche au CEA Étienne Klein. La parole pseudoscentifique a semé le trouble et, pour la première fois de son histoire, l’Institut Pasteur a dû aller en justice au début de la pandémie contre une fake news conspirationniste. Les politiques, qui suivent les médias et les réseaux sociaux, ont aussi pu discréditer la parole scientifique. Or, « la temporalité de la science n’est pas celle de l’émotion », souligne la Pr Karine Lacombe, infectiologue et membre du conseil scientifique Covid-19, expliquant qu’il faut résister à la pression de vouloir aller trop vite pour ne pas paraître « à la ramasse », car « la science n’ira jamais aussi vite que la rumeur ».
Une parole collective
La responsabilité des médias est mise en cause, mais aussi celle du scientifique lui-même, qui doit garder son sang-froid face aux sirènes des projecteurs et tenir un « discours sourcé et étayé », estime Christophe d’Enfert, en évitant de rentrer dans les polémiques. Certains chercheurs, « vérifiant 20 fois l’information dans leurs travaux », ont ainsi posté sans état d’âme des tweets peu rigoureux sur les réseaux sociaux, rapporte Emmanuel Bacry, directeur de recherche CNRS et directeur scientifique du Health Data Hub, « parce qu’il suffit d’un clic, que c’est léger ». En contrepoids, l’Inserm a œuvré à rendre plus visible « une parole de référence, une parole collective », met en avant Gilles Bloch, PDG de l’Inserm, citant le canal Détox et la mobilisation d’une centaine de chercheurs pour communiquer au grand public.
« La compréhension de la démarche scientifique et de ses étapes - hypothèse, expériences, conclusion et validation par les pairs - doit être comprise », insiste Christophe d’Enfert, pour qui « la science n’est pas qu’une controverse comme cela a pu être mis en scène dans les médias ». Pour le physicien Étienne Klein, chacun doit comprendre que « la science n’est pas la même chose que la recherche », la science étant un corpus de connaissances validées quand l’idée de doute est consubstantielle à la recherche. « Individuellement, un chercheur peut se tromper », explique-t-il. Alors que la science, c’est le « processus de discussion permettant de faire parler un bout du réel », poursuit-il.
Embarquer le patient
Pour Agnès Audier, consultante au Boston Consulting Group (BCG) pour France 2030, il est urgent de « passer (l’enseignement) à l’échelle », car la France n’est pas préparée « au tsunami d’innovations qui nous attend », que ce soit en biologie, en sciences de l’ingénieur, en impression 3D, en réalité augmentée, en nouveaux matériaux, en intelligence artificielle… Comment en transmettre les enjeux à l’opinion publique ? « Un débat politique, éthique et citoyen sera nécessaire pour l’organisation des soins, de l’administration et la soutenabilité financière », expose-t-elle.
Une position que partage le chercheur Emmanuel Bacry pour son domaine d’expertise. Les big data en santé ont déjà transformé l’épidémiologie, citant le cas d’école d’Epi-Phare (Cnam/ANSM), et vont révolutionner la conception des essais cliniques. Comment aller plus loin alors qu’il y a une peur de la collecte de données personnelles dans la population ? Le nécessaire consentement implique ainsi « d’embarquer le patient », en l’éduquant « sans faire de propagande. Le choix du citoyen doit être éclairé, en exposant le positif comme le négatif. »
De la recherche en santé publique
Et c’est globalement qu’il faut impliquer davantage les patients dans le système de soins, renchérit Anne-Sophie Joly, présidente fondatrice du Collectif national des associations d’obèses. « Les médecins sont formés à la technique mais pas à la communication », rapporte-t-elle, soulignant que la vulgarisation médicale est essentielle si l’on veut développer la médecine de prévention et faire que le patient soit acteur de sa santé.
Et, hormis pour le cancer, « les politiques publiques de prévention sont assez faibles », cela étant dû aux « faiblesses de la recherche en santé publique », les experts n’étant pas assez nombreux, estime Gilles Bloch, rappelant aux politiques que « la science est un investissement qui permet d’améliorer la santé publique ».
D'après un colloque du 10 février organisé par Pfizer
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