Alors que la technique de l’ARNm était pressentie pour le prix Nobel de médecine/physiologie 2021, ce sont finalement les Américains David Julius, né en 1955, et Ardem Patapoutian, né en 1967 et d’origine libano-arménienne, qui ont été récompensés pour leurs découvertes des récepteurs de la température et du toucher entre la fin des années 1990 et le début des années 2000. « Leurs découvertes révolutionnaires ont permis de comprendre comment la chaleur, le froid et la force mécanique peuvent entraîner les impulsions nerveuses qui nous permettent de percevoir et de nous adapter au monde », a indiqué le jury Nobel à Stockholm. Leurs travaux ont des implications cliniques, notamment dans le traitement de la douleur chronique.
Pour Bérengère Fromy, chercheuse CNRS au laboratoire de biologie tissulaire et d’ingénierie thérapeutique de Lyon, ce prix représente « une réelle reconnaissance internationale et scientifique ». « Ce prix Nobel va donner un coup de projecteur sur notre domaine. Cela va changer le regard des financeurs, mais aussi des pouvoirs publics et de la société », abonde Aziz Moqrich, chercheur CNRS à l’Institut de biologie du développement de Marseille.
Des récepteurs sensibles à différentes températures
En 1997, David Julius (professeur à l’Université de Californie) et son équipe sont parvenus à identifier la protéine TRPV1, un canal ionique activé par la chaleur, grâce à la capsaïcine, un composant actif du piment. Pour cela, ils ont analysé une collection de gènes exprimés dans les neurones sensoriels impliqués dans la réaction à la douleur, à la chaleur ou au toucher. En exprimant ces gènes dans des cultures de cellules qui normalement ne réagissent pas à la capsaïcine, ils ont identifié le gène TRPV1, codant pour le canal ionique du même nom. Ce canal, présent dans les terminaisons nerveuses de la peau, a la capacité de s’activer à des températures élevées, associées à la douleur (autour de 42 °C).
« C’est la première fois que l’on découvrait un récepteur capable d’être activé directement par la température, souligne Aziz Moqrich. La manière dont l’information sensorielle est transduite au sein de la cellule pour générer un signal électrique n’avait jamais été montrée. »
David Julius a ensuite utilisé le menthol pour découvrir le gène TRPM8, canal ionique activé par le froid. En parallèle, Ardem Patapoutian, professeur au Scripps Research en Californie, a travaillé lui aussi sur ce récepteur. Par la suite, d’autres thermorécepteurs sensibles à différentes températures ont été identifiés.
« Ces découvertes ont été faites de façon très compétitive entre les différentes équipes, notamment entre celles de Julius et de Patapoutian », se rappelle Aziz Moqrich, qui a effectué son post-doctorat avec ce dernier - resté depuis un mentor et un ami - au début des années 2000. Il a ainsi lui-même contribué à la découverte de certains de ces récepteurs.
Des essais cliniques en cours
Ardem Patapoutian s’est aussi intéressé aux récepteurs associés au toucher. En utilisant des cellules sensibles à la pression, il a découvert avec son équipe les canaux capables de s’activer en réponse aux stimuli mécaniques dans la peau et les organes internes. Le canal Piezo 1 a d’abord été identifié à partir de l’analyse de 72 gènes codant pour de possibles récepteurs, qu’ils ont inactivés un à un au niveau cellulaire afin d’identifier celui qui était sensible à la pression sur la membrane des cellules. Un second canal du même type, Piezo 2, a été découvert quelques années plus tard. Celui-ci jouerait en outre un rôle clé dans la proprioception.
Ces découvertes ont permis à d’autres équipes d’aller plus loin dans l’étude de ces canaux. Bérengère Fromy travaille par exemple sur le récepteur TRPV3 sensible à des températures autour de 33 à 34 °C. Elle étudie leur rôle dans la transmission du message sensoriel via le dialogue entre les nerfs, les kératinocytes et les vaisseaux de la peau mais aussi dans le vieillissement.
Aziz Moqrich, lui, travaille « sur des neurones impliqués dans la perception des caresses qui relarguent un neuropeptide appelé TAFA4, capable de diminuer l’inflammation et donc la douleur ». Il espère pouvoir tester cette molécule en clinique très prochainement.
D’après le chercheur, des essais cliniques sont en cours avec les récepteurs TRPV1 notamment, mais leur inhibition ou leur activation peut entraîner des effets indésirables, ce qui rend complexes ces approches. Néanmoins, il estime qu’« il devrait y avoir des retombées dans les dix prochaines années en pharmacologie avec de potentiels candidats médicaments pour soulager la douleur notamment ».
Et depuis plusieurs années déjà, la capsaïcine est utilisée dans le traitement de certaines pathologies, comme le psoriasis et les douleurs neuropathiques. « À force d’activer les récepteurs TRPV1, il y a un effet d’inactivation et la capsaïcine entraîne un effet inverse en abaissant la douleur », explique Bérengère Fromy.
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