Une nouvelle étude observationnelle alimente la controverse scientifique autour de l’hydroxychloroquine comme traitement du Covid-19, allant jusqu’à faire réagir le ministre de la Santé, Olivier Véran, qui a annoncé, dans un tweet, samedi, avoir demandé au Haut Conseil de la santé publique (HCSP) de proposer « sous 48 heures une révision des règles dérogatoires de prescription » de divers traitements comme l'hydroxychloroquine, dont l’usage a déjà été restreint, à l’hôpital, aux cas graves de Covid-19.
Publiée dans « The Lancet », cette nouvelle étude a été menée à partir des données de 96 032 patients hospitalisés entre le 20 décembre et le 14 avril (âge moyen de 53,8 ans, 46,3 % de femmes). Ces données sont issues de la base « Surgical Outcome Collaborative », un registre international rassemblant les données de 671 hôpitaux sur six continents. L’étude a ainsi pris en compte des patients d’Amérique du Nord (65,9%), d’Europe (17,3%), d’Asie (7,9%), d’Afrique (4,6%), d’Amérique du Sud (3,7%) et d’Océanie (0,6%).
La chloroquine et l'hydroxychloroquine testés avec ou sans macrolides
Parmi ces patients dont l’infection au Covid-19 a été confirmée en laboratoire, 14 888 ont reçu un traitement, dans les 48 heures après le diagnostic, à base de chloroquine seule (1 868 patients – une dose moyenne de 765 mg par jour pendant 6,6 jours) ou associée à un macrolide, dont l’azithromycine (3 783 - 790 mg pendant 6,8 jours), ou un autre à base d’hydroxychloroquine seule (3 016 - 596 mg pendant 4,2 jours ) ou associée à un macrolide (6 221 - 597 mg pendant 4,3 jours). Le délai entre l’apparition des symptômes et l’administration des traitements n’est pas précisé. Les 81 144 patients restants ont intégré le groupe contrôle.
Une partie des patients (40,5%) a par ailleurs reçu d’autres antiviraux, dont le lopinavir associé au ritonavir (31,6%), la ribavirine (20,3%) et l'oseltamivir (13,1%). « Un traitement d'association avec plus d'un de ces schémas antiviraux a été utilisé pour 6782 patients (17,4%) », indiquent les auteurs, sans distinguer ces patients dans leurs résultats. Tous groupes confondus, les comorbidités les plus fréquentes étaient l’hyperlipidémie (31,4%), l’hypertension (26,9%), le diabète (13,8%) ou une maladie coronarienne (12,6%). Les auteurs n’ont pas signalé de « différences significatives entre les différents groupes en termes notamment de comorbidités ».
Un risque accru de décès quel que soit le traitement
Il ressort de l’analyse des données que 11,1% (10 698) des patients sont décédés à l'hôpital. Le taux de mortalité s’élevant à 9,3 % dans le groupe contrôle, les auteurs concluent à un risque accru de décès avec les différents schémas thérapeutiques testés. Parmi ceux traités par la chloroquine ou l'hydroxychloroquine seule, respectivement, 16,4% et 18 % des patients sont décédés. Lorsque les médicaments étaient associés à un macrolide, le taux de mortalité atteignait 22,2 % pour la chloroquine et 23,8 % pour l'hydroxychloroquine.
Les auteurs relèvent par ailleurs un risque accru d'arythmies ventriculaires. Après ajustement des données sur les facteurs démographiques et les conditions préexistantes, les auteurs estiment par exemple que l’association entre l’hydroxychloroquine et un macrolide entraîne une augmentation de plus de cinq fois du risque de développer une arythmie cardiaque grave à l'hôpital.
L'urgente nécessité d'essais contrôlés randomisés
Confirmant par ailleurs des données publiées précédemment, les auteurs constatent que les patients décédés étaient plus susceptibles d’être âgés, d'être obèses, d’être des hommes, plus susceptibles d'être noirs ou hispaniques, et de souffrir de diabète, d'hyperlipidémie, de maladie coronarienne, d'insuffisance cardiaque congestive et d'antécédents d'arythmies.
Malgré de précédents résultats prometteurs en laboratoire, « ces résultats suggèrent que ces schémas thérapeutiques ne devraient pas être utilisés en dehors du domaine des essais cliniques et sont une confirmation de l’urgente nécessité d’essais cliniques randomisés », insistent les auteurs, rappelant que la chloroquine et son dérivé, l’hydroxychloroquine, ont une efficacité prouvée pour traiter notamment le lupus et l'arthrite. « Les patients ne devraient pas arrêter de prendre ces médicaments s'ils sont prescrits pour des conditions approuvées », avertissent-ils.
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