Étienne Grass, membre du comité de direction de la chaire santé de Science Po, ex-dircab du patron de la CNAM Nicolas Revel, explore les « chemins escarpés de la négociation conventionnelle » dans un article prospectif publié dans les « Tribunes de la santé »*.
L'expert, également membre de l'IGAS, juge que ce round conventionnel sera très difficile à mener à bien cette année, en raison des fortes contraintes financières (un peu plus d'un milliard d'euros d'économies réclamées en ville) et des revendications tarifaires symétriques des différents syndicats médicaux (environ un milliard d'euros également).
« Le C à 25 euros semble à ce point présent dans leurs prises de position qu'il paraît difficile de réussir une négociation dont le coût serait inférieur à ce montant », explique-t-il. La revalorisation « immédiate » de la consultation demandée par les syndicats représenterait un coût de l'ordre de 580 millions d'euros. L'ouverture de la MPC aux généralistes équivaut à environ 500 millions d'euros.
« Le coût d'entrée dans la convention s'élève à un milliard d'euros », évalue-t-il.
Les marches d'escalier du C
Sur ces bases, trois grandes hypothèses sont envisagées.
Le premier scénario (cher aux syndicats) consisterait à « lever » la contrainte financière et à ignorer le carcan comptable de l'ONDAM, à titre dérogatoire, pour cette négociation. Cette hypothèse suggère de pousser très loin l'idée d'une « préférence collective de la société pour une amélioration de la rémunération des médecins », glisse l'auteur. Ce scénario peu probable n'est pas à exclure car la revalorisation du C progresse souvent par « marche d'escalier » à chaque grand accord conventionnel (au-delà de la progression du revenu disponible pour les ménages).
Dans le second scénario, beaucoup plus sombre, il n’existe pas « d’espace de négociation ». « Il paraît raisonnable de considérer que les revendications de syndicats de médecins libéraux sont aujourd'hui beaucoup trop éloignées des possibilités réelles de la sécurité sociale », poursuit-il.
L'absence d'accord CNAM-médecins prolongerait la convention actuelle et aboutirait à un arbitrage ministériel. Un scénario « rationnel », selon l'auteur mais « peu probable » en raison des enjeux structurels de la future convention – élargissement de la ROSP, déploiement du DMP, régulation des dépassements d’honoraires, mesures sur la démographie médicale. Les médecins s'exposeraient à un accord a minima, la CNAM serait renvoyée à son propre aveu d'échec à trouver un compromis.
Gager des économies, redéployer...
Le troisième scénario consiste à trouver un équilibre entre les contraintes financières et les revendications syndicales.
Première piste : réintégrer dans la valeur du C plusieurs rémunérations forfaitaires actuelles (représentant environ un million d'euros) comme la rémunération médecin traitant (RMT, 40 euros par patient ALD), le forfait médecin traitant (FMT, 5 euros par patient hors ALD) ou même la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). Mais cette piste de travail irait à rebours des acquis conventionnels...
Une autre voie de passage serait de gager peu ou prou les hausses de tarifs par des économies symétriques sur les prescriptions (transports, médicaments, biologie...). C'est la voie classique empruntée lors des dernières conventions.
Dernière possibilité : revenir sur les avantages des médecins concernant la prise en charge des cotisations sociales. En 2012, la Cour des comptes recommandait de « moduler la prise en charge en fonction de la géographie » et de plafonner l'avantage à 10 000 euros. Mais Étienne Grass reste prudent et précise que « ce sont des mesures qui touchent le secteur 1 et créent un déséquilibre entre les deux secteurs ».
« La négociation qui va s'ouvrir ne démarre pas perdue d'avance mais sera extrêmement compliquée à conduire », met en garde Étienne Grass qui évoque un « passage étroit et sinueux ».
* « Les Tribunes de la santé », revue trimestrielle, n° 48 (Editions de la santé).
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