Lors de l'examen du projet de loi bioéthique, les députés ont maintenu l'interdiction de l'AMP post-mortem. Ce que regrette la Pr Rachel Levy, chef du service de Biologie de la reproduction-CECOS de l'hôpital Tenon, et présidente de la Fédération nationale des biologistes des laboratoires d’étude de la fécondation et de la conservation de l’œuf (BLEFCO).
LE QUOTIDIEN : Pourquoi déplorez-vous le maintien de l'interdiction de l'AMP post-mortem ?
Pr LEVY : Parce qu'elle conduit à des situations injustes, non éthiques, inacceptables. Si l'AMP est ouverte aux femmes seules, une femme devenue veuve donc seule, sera autorisée à recueillir pour elle des paillettes d'un donneur inconnu ou des embryons d'un autre couple. Mais elle n'aura pas accès aux spermatozoïdes de son conjoint ni aux embryons qu'elle aurait conçus avec lui. C'est une triple peine. Voire quadruple, si elle approche la quarantaine. Et sommet de l'inacceptable : elle recevra une relance annuelle pour lui demander ce qu'elle compte faire des embryons congelés avant le décès du conjoint. Elle aura comme choix l'arrêt de la conservation (donc la destruction), le don à une autre femme ou couple, ou le don à la recherche. Les députés devraient se mettre à la place de cette femme : que pourra-t-elle faire ? Elle ne répondra pas. Au bout de cinq ans, nous arrêterons donc la conservation.
Qui sont ces femmes ?
N'ayons pas de fantasme. Elles sont peu nombreuses. Celles que j'ai pu recevoir ont perdu leur mari des suites d'une longue maladie. Elles ont eu le temps de parler du projet parental avec lui. Je leur dis : « Je comprends votre douleur, il faut le temps du deuil, revenez me voir dans six mois, promis je n'arrête pas la conservation des gamètes de votre conjoint. » La majorité des femmes ne reviennent pas. Seules reviennent celles dont le projet était avancé.
N'y a-t-il pas un risque de pression sur les femmes ?
Faisons confiance aux professionnels pour mettre en place une commission qui examine chaque demande et s'assure de l'absence de pression et de l'authenticité du projet. C'est pourquoi, plus largement, nous demandons des moyens pour avoir des psychologues. Loin d'être des juges ou des censeurs, nous sommes là pour accompagner des nouvelles parentalités. Les femmes seules ,notamment, en ont besoin.
Mais n'oublions pas que mener une grossesse et élever un enfant est toujours une aventure sans mode d'emploi, pour des couples hétéros ou homosexuels, pour des femmes seules ou veuves.
Autre argument des opposants à l'AMP post-mortem : elle donnerait naissance à des orphelins...
Le désir d'enfant était présent avant le décès : la mère pourra raconter à son enfant l'histoire d'un couple qui l'a désiré.
Plus largement, quel regard portez-vous sur la loi de bioéthique ?
Nous saluons l'ouverture de l'AMP à toutes les femmes et l'autorisation de l'autoconservation des gamètes en dehors des indications médicales. La société a évolué, les demandes sont là, et même, les enfants sont là. Il est difficile de voir des femmes partir à l'étranger pour des actes qui pourraient être réalisés en France.
Nos inquiétudes se sont apaisées quant aux risques d'une tension sur les stocks de sperme ; le dispositif prévu nous semble de nature à répondre à une augmentation de la demande sans provoquer de pénurie.
En revanche, cette nouvelle offre de soins doit s'accompagner de moyens adaptés pour continuer à assurer dans de bonnes conditions notre activité d'AMP.
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