Les agonistes du récepteur du GLP-1 viendront-ils rejoindre l’arsenal thérapeutique de la prise en charge de l’obésité infantile ? C’est ce que suggèrent des résultats de phase 3 présentés au congrès de la European Association for the Study of Diabetes (EASD) 2024 et publiés dans The New England Journal of Medicine (1).
L’étude Scale Kids, menée par une équipe américaine et financée par Novo Nordisk, a évalué la sécurité et l’efficacité du liraglutide pour la perte de poids chez l’enfant obèse âgé de 6 à 11 ans. L’essai établit une diminution moyenne de 5,8 % de l’indice de masse corporelle (IMC) en un an par rapport au placebo, et une amélioration du contrôle de la pression artérielle et de la glycémie. À l’arrêt du liraglutide, l’IMC et le poids corporels ont augmenté dans les deux groupes.
« L'obésité est la maladie chronique la plus répandue chez l'enfant qui, si elle n'est pas traitée, persiste presque universellement à l'âge adulte. Une intervention précoce est donc essentielle », argumente la Pr Claudia Fox, du centre de l’obésité infantile à Minneapolis et autrice principale. Déplorant des options thérapeutiques jusque-là « limitées » et avec « un effet modeste », les auteurs se sont ainsi intéressés au liraglutide, car cet agoniste du récepteur GLP-1 est déjà approuvé aux États-Unis et en Europe comme le sémaglutide, pour compléter les mesures hygiéno-diététiques chez les adolescents (à partir de 12 ans) et les adultes en situation d’obésité. En France, en 2017, la prévalence de l’obésité chez les 6-17 ans était de 5,4 % et celle du surpoids de 20 % (contre environ 20 % d’obèses parmi les enfants de la même tranche d’âge aux États-Unis durant la même période).
Si l’obésité n'est pas traitée, elle persiste presque universellement à l'âge adulte
Pr Claudia Fox, centre de l’obésité infantile à Minneapolis
Baisse de l’IMC d’au moins 5 % chez près de la moitié des enfants traités
L'étude a inclus 82 enfants (53,7 % de garçons) qui avaient en moyenne 10 ans, un IMC de 31 kg/m2, et un poids corporel de 70,2 kg. Les enfants ont été randomisés, soit dans le groupe liraglutide avec une dose de 3 mg/jour en injection (n = 56), soit dans le groupe placebo avec une injection quotidienne (n = 26). Chaque patient recevait, en complément, des conseils hygiéno-diététiques et était encouragé à faire 60 minutes par jour d’exercice d’intensité modérée à élevée.
À la semaine 56, fin de la période de traitement, les auteurs retrouvent une variation moyenne de l'IMC de -5,8 % pour le liraglutide et de +1,6 % pour le placebo et une variation moyenne du poids corporel de +1,6 % pour le liraglutide et de +10 % pour le placebo, expliquée par la croissance des enfants au cours de l’année. De plus, ils observent une réduction de l’IMC d’au moins 5 % chez 46,2 % du groupe liraglutide et 8,7 % du groupe placebo. Pour la Pr Fox, « une réduction de 5 % chez l’adolescent ou l’adulte a déjà été associée à une amélioration de certains problèmes de santé liés à l'obésité ». À ce titre, les auteurs relèvent une amélioration des complications liées à l’obésité (pression artérielle diastolique, hémoglobine glyquée, contrôle de la glycémie) dans le groupe liraglutide. De plus, la puberté et la croissance n’ont pas été affectées dans les deux groupes.
Enfin, ils ont observé des effets secondaires fréquents, dans le groupe liraglutide (89,3 %) et dans le groupe placebo (88,5 %) dont des sévères (12,5 et 7,7 % respectivement), mais sans séquelles ; les manifestations gastro-intestinales, déjà connues et fréquentes pour les agonistes du récepteur GLP-1, ont touché 80,4 % des participants du groupe liraglutide (contre 53,8 %).
Nécessité de preuves à long terme
Dans l’éditorial associé (2), les Drs Timothy Barrett et Julian Hamilton-Shield soulignent l’importance de trouver de nouvelles stratégies thérapeutiques pour traiter l’obésité chez l’enfant, car « l’adhésion à des règles hygiéno-diététiques et à une suffisante activité physique aérobie est inaccessible à la plupart des enfants et leur famille ». Mais, s’ils se réjouissent des preuves d’efficacité de Scale Kids, les éditorialistes restent prudents quant aux effets à long terme de ces traitements chez l’individu prépubère et attendent les résultats de la phase d’extension ainsi que ceux d’autres études. Enfin, ils soulèvent tout de même des inquiétudes quant au rebond d’IMC à l’arrêt du traitement, induisant la potentielle dépendance au traitement pharmacologique.
(1) C. K. Fox et al., NEJM, 2024. DOI: 10.1056/NEJMoa2407379
(2) T. Barrett et al., NEJM, 2024. DOI: 10.1056/NEJMe2410560
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