Seconde maladie neurologique invalidante reconnue par l’OMS, la migraine prend différentes formes. Céphalées, intolérance à la lumière, au bruit, aux odeurs ou au toucher perturbent la vie quotidienne des patients et engendrent de lourdes conséquences sur leur vie professionnelle. C’est ce que met en exergue une enquête inédite de l'association La Voix des migraineux* sur l’impact économique de la pathologie, menée en 2024 auprès de 785 patients, dont 92 % de femmes. En France, 15 % de la population est concernée, soit 10,5 millions de personnes. Et 1,4 million de Français souffrent de migraine chronique.
Premier constat : un tiers des migraineux affirment avoir été sans emploi, au moins une partie du temps, au cours des 12 derniers mois, contre 7,5 % des actifs au sein de la population générale.
Absences « transparentes » au travail
L’association constate aussi un écart entre les deux groupes sur l’absentéisme. « Nous observons notamment un grand nombre d’absences dites “transparentes”, dont les pouvoirs publics et les employeurs n'ont pas conscience. De fait, les patients ne peuvent pas toujours bénéficier d'un arrêt maladie : lorsqu'ils présentent des symptômes invalidants, ils prennent donc des journées de RTT, voire des congés sans solde. Cela devrait être pris en compte comme fardeau économique pour la société car cela diminue la productivité des entreprises », déplore Sabine Debremaeker, présidente de La Voix des migraineux.
Selon l'enquête, 23 % des migraineux ont pris des congés sans solde pour la migraine lors des 12 derniers mois. Deux tiers ont posé au moins un jour d’arrêt maladie pour le même motif et 24 % ont eu plus de 30 jours d’arrêt sur un an.
Résultat : le coût sociétal des arrêts maladie pour les migraineux chroniques atteint 2,8 milliards d'euros par an, a calculé l’association. Pour parvenir à cette somme, elle s’est fondée sur le salaire de référence moyen journalier de l'Insee, le salaire de base pour le calcul des Assedic et le remboursement des indemnités journalières par l'Assurance-maladie. « Au total, pour 14 jours d'arrêt maladie, un patient coûte 2015 euros [en IJ et en complément légal versé par l’employeur, NDLR]. Ce montant, ainsi que les 2,8 milliards d'euros pour les migraineux chroniques, est certainement sous-estimé », estime Sabine Debremaeker.
Nous souhaitons qu'un parcours de prise en charge soit enfin défini
Sabine Debremaeker, présidente de La Voix des migraineux
Reste à charge onéreux
Il est vrai que la migraine reste encore mal diagnostiquée. Non seulement le parcours de soins relève souvent du parcours du combattant, mais l’errance thérapeutique engendre des frais supplémentaires pour les patients comme pour la société. Sur les 12 derniers mois, près d’un patient sur deux affirme avoir vu le dentiste et/ou l’ophtalmologue et plus de 40 % ont effectué des examens d'imagerie, ont vu le kinésithérapeute ou l'orthodontiste pour soigner leur migraine. Un patient sur cinq a même consulté un psychiatre. « Ces dépenses sont injustifiées par la maladie [et donc remboursées, NDLR] mais compte tenu de la pluralité des symptômes, cette errance diagnostique n'est pas rare », note Sabine Debremaeker. De fait, indique l’enquête, 70 % des patients déclarent un reste à charge des actes et consultations médicaux à cause de la migraine évaluée à 530 euros.
Au total, sur les 12 derniers mois, le reste à charge par patient s'élève à 1 815 euros par an. Au-delà des actes médicaux, ce montant inclut les pratiques non conventionnelles, les frais de transport, les accessoires (casque anti-bruit, lunettes spéciales, etc.), l’hébergement et les dispositifs médicaux.
En ajoutant l’anti-CGRP – un anticorps efficace pour un bon nombre de migraineux mais non remboursé –, la facture annuelle atteint 4 200 euros par patient. « Un tel reste à charge n'est pas tolérable, conclut Sabine Debremaeker. Nous souhaitons qu'un parcours de prise en charge soit enfin défini pour les patients afin d'éviter l'errance thérapeutique et les dépenses inutiles. Nous avons demandé à la Haute Autorité de santé de mettre en place un groupe de travail sur le sujet. Enfin, l'obtention du remboursement des anti-CGRP et des gépants [nouvelle classe d’anti-migraineux, NDLR] est une urgence pour les patients sans alternatives thérapeutiques. »
* Un tiers des répondants constatent une fréquence de crises de 0 à 8 jours par mois ; un tiers sont des migraineux sévères (entre 8 et 14 jours par mois) et un tiers sont très sévères (plus de 14 jours par mois)
Colopathie fonctionnelle : la réponse au régime pauvre en fodmaps dépend du profil métabolique
Eat’s OK : une appli pour un accompagnement nutritionnel adapté à la prise de médicaments
Patients âgés insuffisants rénaux : repousser le plus possible la dialyse pourrait être la meilleure option
Vieillissement : l’analyse moléculaire révèle une accélération à 44 et 60 ans