Dans quelle mesure, les épisodes de canicule peuvent-ils aggraver des pathologies respiratoires existantes ?
Les épisodes de forte chaleur peuvent aggraver certains symptômes tels que la dyspnée. Et que ce soit sur le moment, ou plus rarement à distance de l’épisode caniculaire, des températures très élevées peuvent être source d’exacerbations, tout comme l’air sec et l’air froid d’ailleurs. Toutes les pathologies respiratoires sont concernées, l’asthme et la BPCO bien évidemment mais également les pathologies infiltratives telles que les fibroses pulmonaires, ou encore la mucoviscidose.
Comment expliquer ce risque ?
Ces exacerbations sont principalement la conséquence de la déshydratation.
En cas de températures très élevées, la déshydratation est majorée par les phénomènes d’homéothermie que sont la sudation mais aussi la convection thermique (transfert de chaleur et d’énergie vers le milieu extérieur). Le rejet accru de vapeur d’eau par la respiration du fait de l’augmentation de la fréquence respiratoire, -associé à l’utilisation de système de convection comme les ventilateurs et les climatiseurs qui favorisent le dessèchement-, accroît encore le risque de déshydratation chez les personnes vulnérable que sont les insuffisants respiratoires.
Par ailleurs, le soleil et la chaleur favorisent les épisodes de pollution à l’ozone, gaz irritant qui a des effets directs sur la muqueuse protectrice des bronches et dont les symptômes immédiats sont associés à une diminution de la fonction respiratoire (irritation de la gorge, des bronches etc.).
Des températures très élevées peuvent être source d’exacerbations du fait de la déshydratation
Quelles sont les mesures à prendre chez ces patients ?
Tout d’abord s’hydrater suffisamment (tout en prenant garde au risque d’hyponatrémie), mais également prendre des précautions lorsque l’on utilise des systèmes de convection (ventilateurs, climatiseurs). Des humidificateurs d’air, des linges mouillés sont presque indispensables dans cette catégorie de personnes vulnérables.
En ce qui concerne les personnes sous oxygénothérapie, celle-ci doivent placer un humidificateur sur l’appareil à oxygène car ce dernier lui-même dessèche les muqueuses respiratoires, une conséquence encore plus importante en cas de fortes chaleurs. En général, l’humidificateur est conseillé au-delà de 3 litres par minute, mais ce peut être bien en deçà en cas de canicule.
Quant à l’adaptation du traitement de fond inhalé, la posologie doit être transitoirement augmentée en cas de déséquilibre et d’apparition de symptômes (toux, sifflements…). Dans le cadre d’une décision partagée, il est possible de concevoir un plan d’action qui permettrait au patient de gérer en autonomie son traitement inhalé lors d’expositions intenses que ce soit à la canicule notamment, afin de prévenir le risque d’exacerbation de sa pathologie.
Cette semaine, certaines stations de mesure dans les Landes et les Pyrénées-Atlantiques ont enregistré des concentrations élevées de PM10 et PM2,5. La source : les feux en cours à La Teste-de-Buch et à Landiras. Comment ces pics de pollution bref, mais intenses, impactent-ils les malades respiratoires ?
Les feux de forêt constituent des pics de pollution nocifs pour les malades asthmatiques et BPCO, mais également les autres malades respiratoires chroniques. Depuis le début des années 2000, des publications scientifiques font état des conséquences sur la santé de ces incendies. Même chez les personnes non asthmatiques, l’exposition aux feux de forêt (ou brûlage des champs de canne à sucre, etc.) pendant 2 à 5 jours confère une augmentation du risque de symptômes respiratoires d’irritation (toux, sifflements) ainsi qu’un risque d’exacerbations et d’essoufflement accru chez les personnes asthmatiques et BPCO.
Les feux de forêt constituent des pics de pollution nocifs pour les malades asthmatiques et BPCO
Cette source de pollution est reconnue depuis très longtemps : le fait de brûler du bois, que l’on appelle combustion de la biomasse, comme lors des incendies de forêt ou, dans une moindre mesure, des matières organiques ou d’origine fossile à l’instar de l’enfumage des vignes et des vergers pour éviter le gel des bourgeons, provoque le dégagement de particules fines et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques. C’est le même phénomène observé avec le trafic automobile.
Dans les fumées noires, on retrouve du benzène, du cyanure et du monoxyde de carbone.
Les fumées blanches dégagent pour leur part des particules fines (10pm) et ultrafines (2,5pm). Ces dernières pénètrent jusqu’aux alvéoles pulmonaires, puis passent dans la circulation sanguine engendrant un stress oxydatif, impliqué dans les thromboses car nocives pour les épithéliums respiratoires et vasculaires.
Ces incendies sont donc néfastes pour l’appareil respiratoire mais également cardiovasculaire.
Quels sont les conseils à délivrer aux patients ?
En cas d’incendie, les malades respiratoires doivent se calfeutrer chez eux et, lorsqu’ils sont prévenus suffisamment à l’avance, s’éloigner temporairement. Ils doivent appliquer les mêmes mesures qu’en cas de pic de pollution, comme augmenter la posologie de leur traitement bronchodilatateur et consulter leur médecin en cas d’exacerbation. Les masques estampillés FFP2, chirurgicaux, peuvent aussi aider à filtrer les particules dangereuses. Les fenêtres doivent rester fermées, un conseil de bon sens. Comme en cas de fortes chaleurs ou d’incendies, mieux vaut aussi éviter l’activité physique car le fait d’hyperventiler dégrade la situation respiratoire par inhalation de particules toxiques et le rejet accru de vapeur d’eau (en plus de la sueur) accélère la déshydratation.
Propos recueillis par Hélène Joubert
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