L’IA détecte par ECG les cardiopathies structurelles

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Publié le 25/07/2025
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Deux études, publiées dans « Nature » et l’« European Heart Journal », montrent l’intérêt de l’intelligence artificielle (IA) pour dépasser les limites de l’ECG dans le dépistage précoce des cardiopathies structurelles.

Crédit photo : GARO/PHANIE

Une analyse de l’électrocardiogramme (ECG) par un outil d’intelligence artificielle (IA) permettrait la détection, en routine, de cardiopathies structurelles jusque-là silencieuses. C’est ce que montrent les études de deux équipes, l’une de l’université de Columbia (New York, États-Unis) et l’autre de l’Imperial College London (Londres, Royaume-Uni), respectivement publiées dans la revue Nature et dans l’European Heart Journal. Les deux équipes ont chacune développé un outil d’IA entraîné sur plusieurs centaines de milliers d’ECG et d’échographies cardiaques, corrélant de très subtils changements dans le tracé ECG à une anomalie ou un risque futur d’anomalie structurelle cardiaque.

Les travaux de ces équipes apportent des pistes pour le dépistage précoce des cardiopathies structurelles, telles que les valvulopathies ou les cardiomyopathies. « Nous disposons de coloscopies, de mammographies, mais nous n'avons rien d'équivalent pour la plupart des maladies cardiaques », explique le Dr Pierre Elias, de l’équipe de l’université de Columbia.

L’outil IA des Américains, EchoNext, fait mieux que les cardiologues

L’équipe de l’université de Columbia, soutenue par les National Institutes of Health (NIH), a mis au point un outil de dépistage EchoNext, avec l’objectif que les données d’un ECG permettent d’identifier les patients éligibles à une échographie cardiaque. « Le modèle d'apprentissage profond d’EchoNext a été entraîné sur plus d’1,2 million de paires ECG-échographies provenant de 230 318 patients. L’étude de validation menée dans quatre systèmes hospitaliers (10 862 patients) a montré que l’outil était très précis pour identifier les problèmes cardiaques structurels, notamment l'insuffisance cardiaque due à une cardiomyopathie, une valvulopathie, une hypertension pulmonaire et un épaississement sévère du cœur, à partir de l’ECG », détaillent les auteurs dans un communiqué de l’université de Columbia.

Par la suite, l’équipe a procédé à une validation supplémentaire de leur modèle, « dans une cohorte plus représentative de la vraie vie ». Après avoir identifié des patients à risque élevé de cardiopathie structurelle encore non diagnostiquée, les chercheurs les ont suivis durant un an, « sans que leurs médecins ne soient au courant de l’utilisation d’EchoNext » : 55 % des personnes jugées à haut risque par l’IA avaient été orientées vers une échocardiographie par leur(s) médecin(s) et, parmi elles, près de 75 % avaient une cardiopathie structurelle. Enfin, l’équipe a comparé les performances de 13 cardiologues à celles de l’IA : sur 3 200 ECG, EchoNext a détecté plus souvent une anomalie structurelle (77 contre 64 %) que les cardiologues. Si les scores des spécialistes s’amélioraient avec une assistance par IA, ils étaient moins bons que l’IA utilisée seule.

L’outil IA des Britanniques prédit avant même les changements structurels

L’équipe londonienne en collaboration avec des chercheurs de Shanghai s’est concentrée, quant à elle, spécifiquement sur les insuffisances valvulaires non diagnostiquées. Leur outil d’IA a été capable de prédire, plusieurs années à l’avance, dans 69 à 79 % des cas, quels patients étaient les plus susceptibles d’en développer une à partir d’un ECG et ce, avant même l'apparition de symptômes ou de changements physiques détectables par échographie. Les auteurs expliquent en effet, dans un communiqué de l’université, que « les anomalies liées aux valves peuvent d’abord se manifester par de très légères modifications de l’activité électrique du cœur ».

Leur modèle d'IA a d’abord été entraîné à partir de 988 618 ECG et échographies de plus de 400 882 patients de l’hôpital Zhongshan (Shanghai, Chine). Dans un groupe distinct de 34 214 patients du centre médical Beth Israel Deaconess (Boston, États-Unis), l’outil a montré son efficacité pour la détection précoce des valvulopathies (entre 69 et 79 %), auprès de populations ethniquement diverses et dans différents systèmes de santé.

« Notre travail illustre les avantages de la collaboration internationale dans ce domaine en pleine expansion, écrivent les auteurs. En formant le modèle sur une population presque exclusivement chinoise, puis en le testant sur une cohorte américaine, nous pouvons démontrer que notre outil d'IA peut être appliqué dans divers pays et contextes à travers le monde. Cela signifie en fin de compte qu'il a le potentiel d'aider encore plus de patients. » D'ici à 2025, les équipes espèrent – avec l’appui du National Health Service (NHS) – lancer d’autres essais qui évalueront les avantages de la mise en œuvre du modèle IA en vraie vie dans les hôpitaux de l'Imperial College Healthcare NHS Trust et du Chelsea and Westminster Hospital NHS Foundation Trust.


Source : lequotidiendumedecin.fr