Grossesse : la prise des antiépileptiques à risque avéré baisse, mais vigilance sur le report

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Publié le 25/07/2025

Les Françaises sont de moins en moins exposées durant leur grossesse aux antiépileptiques à risque avéré de malformations mais l’exposition prénatale pour les molécules à risque incertain augmente notablement, surtout chez les plus défavorisées.

Crédit photo : GARO/PHANIE

En France, entre 2013 et 2021, le nombre de grossesses exposées aux antiépileptiques reste stable, avec un report important de la consommation de molécules reconnues à risque vers des traitements à risque incertain ou jugés sûrs. Telles sont les conclusions d’une étude EPI-Phare, le groupement d’intérêt scientifique de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et de l’Assurance-maladie, qui exploite le système national des données de santé (SNDS) en recherche.

L’objectif est d’évaluer l’efficacité en vie réelle des mesures de réduction des risques d’exposition prénatale au valproate, qui ont été renforcées en 2015 après les recommandations de l’Agence européenne du médicament, la Food and Drug Administration et l’Organisation mondiale de la santé. Les résultats de l’étude sont publiés dans Neurology, la revue de l’Académie américaine de neurologie.

La moitié des grossesses exposées à des traitements à risque reconnu ou incertain

Trois catégories de molécules ont été définies :
• catégorie 1 : antiépileptiques considérés les plus sûrs (lamotrigine et lévétiracétam) ;
• catégorie 2 : antiépileptiques de risque incertain (prégabaline, gabapentine, oxcarbazépine) et nouveaux (lacosamide et zonisamide) ;
• catégorie 3 : antiépileptiques de risque reconnu (valproate, valpromide, carbamazépine et topiramate).

Entre 2013 et 2021, parmi les plus de 8,6 millions de grossesses (quel que soit leur devenir) rapportées dans le registre EPI-mères, 55 801 (0,64 %) ont été exposées à au moins un antiépileptique entre le mois précédant la conception et le terme. Près de la moitié étaient exposées aux traitements les plus sûrs (dont les trois quarts à la lamotrigine), un peu plus d’un tiers aux principes actifs de catégorie 2 (64 % à la prégabaline) et un quart aux antiépileptiques de catégorie 3 (avec près de 49 % d’entre elles au valproate et ses dérivés).

Les chercheurs ont constaté une diminution drastique de la consommation prénatale de valproate et de valpromide (- 84 et - 89 % respectivement). Bien qu’une baisse d’exposition soit aussi constatée pour le topiramate et la carbamazépine, elle est moins marquée (- 34 % et - 40 %), ce que déplore l’ANSM dans un communiqué.

Si l’utilisation d’antiépileptiques sans risque identifié à ce jour (lamotrigine et lévétiracétam) a augmenté de 30 % sur la période, il y a des ombres au tableau. Les femmes enceintes sont de plus en plus exposées aux antiépileptiques de risque incertain, avec une hausse de + 28 % pour la prégabaline et la gabapentine, et de + 140 % pour les nouveaux antiépileptiques.

Les femmes défavorisées plus exposées aux antiépileptiques à risque

L’étude met en évidence des inégalités socio-économiques importantes. « L’exposition prénatale aux antiépileptiques à risque avéré ou incertain concerne de façon disproportionnée les femmes enceintes à faible niveau de revenus », soulignent les auteurs.

Par ailleurs, les femmes ayant pris des antiépileptiques à risque au cours de leur grossesse étaient plus âgées d’un à deux ans en moyenne que celles ayant consommé de la lamotrigine ou du lévétiracétam. Les grossesses étaient aussi plus à même d’être interrompues (volontairement ou pour raisons médicales) pour les molécules à risque incertain et reconnu, 24,9 % et 32,4 % respectivement contre 18,7 % pour les plus molécules les plus sûres. Les avortements sont en augmentation de 31 % pour le valpromide, de 23 % pour le valproate et de 16 % pour la carbamazépine.

L’augmentation considérable de l’exposition aux molécules à risque incertain et aux nouvelles, en particulier parmi les populations les plus défavorisées, « nécessite des mesures supplémentaires de minimisation des risques », concluent les auteurs.


Source : lequotidiendumedecin.fr