Pourquoi la vente d’Audentes à Astellas ne rapporte-t-elle rien au Généthon ?
Ce n'est pas le produit qui a été vendu mais la société. Or le Généthon n'est pas propriétaire ou actionnaire de la société qui a investi depuis entre 300 et 400 millions de dollars. Au moment où nous avons conclu l’accord avec Audentes, personne ne pensait à l'époque qu'une société reposant sur un seul produit destiné à la prise en charge d'une maladie ultra-rare, la myopathie myotubulaire,30 patients par an, se vendrait en 2019 à un tel prix, à savoir trois milliards de dollars. On imaginait plutôt que ce serait le premier élément d'un portefeuille riche de plusieurs produits. Enfin qui sérieusement avait envisagé une telle inflation sur les valeurs des sociétés spécialisées dans les maladies rares ? Audentes s'est d'ailleurs efforcé de diversifier son pipe-line Ce n'était pas simplement dans l'intérêt des malades mais celui bien compris de ses actionnaires. Mais les recherches à chaque fois ont échoué. Reconnaissons que nous sommes là dans une configuration très surprenante. Cela relève peut-être d'une bulle. C'était compliqué à anticiper en 2014. Certains experts à l'époque ont estimé que c'était l'un des meilleurs accords de la recherche française.
Comment éviter à l'avenir la fuite de produits à l'étranger qui ont démontré la preuve de concept ?
Le tampon national ou européen n'est pas une garantie concernant le prix. Il faut d'abord mettre sur la table différents composant qui entrent dans le prix d'un médicament. Regardons d'abord le financement de l'innovation. La découverte d'un médicament est d'abord le fruit d'une recherche fondamentale d'excellence et s'inscrit dans un écosystème de qualité. Dans un second temps à la frontière de la recherche et de l'innovation, des chercheurs ont pour objectif la mise au point de thérapies sans être pour autant des industriels. C'est le cas du généthon ou de laboratoires centrés sur la recherche dans le cancer. On a là l'ébauche d'un produit, d'un concept et la prise d'un brevet. C'est le point de départ d'un médicament.
Une fois le brevet pris, que faut-il faire ? le cycle de développement pré-clinique et clinique est long, coûteux, hyperrèglementé. Qui peut financer aujourd’hui ce développement ? Les américains, grâce à leur écosystème. Là n’est pas l’essentiel. Le problème est plutôt la financiarisation de la recherche thérapeutique. Elle a produit des résultats et a permis l’émergence de nouveaux produits. Mais on constate aussi des effets controlatéraux. Les investisseurs attendent bien sûr des retours sur investissements élevés parce qu’à risque. En attendant, il n’y a pas de réelle alternative. Tout un système est à repenser si l’on souhaite écarter ce type de spéculation. Lors qu’Astellas rachète pour 3 milliards de dollars Audentes et Novartis AVeXis pour 8 milliards d’euros environ, on est là simplement au bout de la chaîne spéculative avec une nouvelle répartition des risques. Les fonds d’investissement prennent les risques. Et les pharmas disposent des compétences pour développer un produit puis le commercialiser.
D’autres investisseurs accepteraient-ils des rendements plus faibles parce que cela s’inscrirait dans une mission d’intérêt général ? il faut se tourner vers des fonds d’investissements, les banques d’affaires, Il y a un risque au-delà de la bulle d’asphyxier nos systèmes de santé et qui refusera les innovations thérapeutiques à cause de leur coût trop élevé avec enfin le danger du rationnement. Toutefois l’inflation des prix n’est pas une fatalité. Certains industriels annoncent une politique de prix discount pour leurs prochains produits par exemple pour un produit destiné à l’amyotrophie spinale par voie orale.
La question ne peut se résoudre au niveau hexagonal.
Certes. Mais nous sommes l’un des principaux marchés pour la pharmacie. Relevons toutefois, un aspect très spécifique à la thérapie génique, à savoir le coût de la production qui représente selon les indications plusieurs centaines de millions d’euros pour une seule dose. Des recherches sont indispensables pour réduire ce coût. Il ne faut pas espérer dans ce domaine d’économie d’échelle. Seule l’innovation fondamentale en virologie, en biologie cellulaire génèrera une baisse des prix. Bref, il faut passer de la bougie à la lampe led. C’est une recherche appliquée pluridisciplinaire qui ne relève pas du passage d’un processus de production artisanale à une simple échelle industrielle. De nouveaux métiers sont à inventer, une bioingénieurie appliquée à la production. Nous incitons à développer cette nouvelle filière en France. Nous disposons d’un certain nombre d’atouts, de savoir-faire avec les organismes publics de recherche et des industriels à l’autre bout du spectre. Les premiers qui établiront un leadership dans ce domaine disposera d’une indépendance sanitaire et d’une capacité de contrôle sur les prix. Il y a là une brique essentielle pour construire un nouveau système à condition de focaliser son effort et de ne pas disperser les moyens. Nous attendons la création d’un institut dédié à l’innovation en bio production pour la thérapie génique. Il faut toutefois aller vite. Des initiatives sont prises dans d’autres pays, par exemple en Irlande, au Royaume-Uni,
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