Les médecins et la loi
« Un médecin est là pour soulager les souffrances, il doit donc en avoir les moyens par des formations adaptées et des soutiens médicaux accessibles. Donner à quelqu'un le pouvoir d’arrêter une vie est une régression sociale majeure, contraire à l'article 3 des Droits de l'homme et à l'article 2 de la Charte européenne, contraire à la déontologie et au serment d’Hippocrate ». Gériatre, 65 ans, unité de soins palliatifs (USP)
« Il faut faire la différence entre les patients en fin de vie et ceux dont la vie est difficile ». Généraliste libérale, 69 ans, hors USP
« Légiférer le moins possible. De toute façon, certaines situations sortent de tout cadre et il faut les gérer au cas par cas ». Libéral, hors USP
« Faut-il tout légiférer ? Une coopération entre soignants, malade et famille est la base nécessaire pour des échanges menant à des décisions. Communiquer sur la mort avec le patient est très important et doit se faire très tôt ». Généraliste libéral, 65 ans, hors USP
Euthanasie ou suicide assisté
« Les risques éthiques de la légalisation de l’euthanasie sont multiples. L'euthanasie permettrait une économie substantielle ; mais, si les soins palliatifs avaient des moyens, il serait possible d’accompagner toute personne dignement dans le cadre législatif actuel qui est suffisant ». Chirurgienne, 47 ans, libérale, hors USP
« Anesthésiste-réanimateur, je pratique déjà la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Je ne suis pas contre l’ouverture à l’euthanasie. Le cadre doit être cependant très strict. Et le médecin doit être également le principal acteur (accompagnant du patient, évaluateur et réalisateur de l’acte). Le suicide assisté est une énorme hypocrisie ». Anesthésiste-réanimateur, 38 ans, hospitalier, hors USP
« Le débat sur l'euthanasie est nécessaire. Les demandes augmentent. Il faut instaurer un cadre légal clair, comme pour l’IVG et/ou la stérilisation. Ne pas permettre le travail en solo. Attention à instaurer un cadre médical et psychologique plutôt qu’un cadre administratif ! » Généraliste libérale, 58 ans, hors USP
« Les soignants ne peuvent accepter une injonction à l'euthanasie au prétexte que le patient (citoyen) l'exige. Mais les modalités du "suicide assisté" doivent être précisées (au vu des risques d'un texte trop vague qui exposerait les soignants à des situations conflictuelles avec les patients et proches). Le suicide "assisté" reste un suicide dans lequel le patient garde toute la responsabilité de son choix ». Cancérologue hospitalière, 65 ans
« Je suis favorable au suicide assisté mais avec un cadre légal bien défini et en milieu spécialisé plutôt type centres de soins palliatifs ». Généraliste libéral, 65 ans, hors USP
« Je viens de vivre une expérience difficile avec un patient atteint d'un cancer pulmonaire qui s'est généralisé rapidement et qui s'est suicidé par défenestration à l'hôpital. Cela m'a fait changer mon point de vue sur le suicide assisté pour les patients atteints de cancer avancé et peut-être même pour certaines maladies dégénératives ». Généraliste libérale, 63 ans, hors USP
Qui décide
« La fin de vie est entièrement liée au patient et à lui seul (tant qu'il est conscient). Pas de législation, car il est rapide de voir des glissements (raisons pécuniaires…). Laissez-nous en paix avec la confiance du patient si elle est présente et notre conscience ! » Généraliste libérale, 58 ans, hors USP
« Il faut faire évoluer les choses sans tomber dans des dérives à l'encontre des personnes vulnérables qui ne seraient pas en capacité de faire valoir leurs volontés. La souffrance est subjective, il faut l'évaluer au cas par cas par des experts en soins palliatifs qui savent faire la différence entre une situation potentiellement améliorable (dépression sous-jacente d'une maladie grave, etc.) et une situation incurable irréversible et insupportable pour la personne ». Autre spécialité, 39 ans, USP
« Parfois, les enfants et le malade en fin de vie ne sont pas d'accord sur les limites de l'orientation palliative, ce qui est ingérable en ville ». Généraliste libérale, 46 ans, hors USP
Quels moyens ?
« J'ai eu un patient avec cancer du pancréas et nutrition parentérale à domicile. Nous étions en lien permanent avec les IDE pour adapter les traitements… Dans un monde idéal, on pourrait accompagner les fins de vie à domicile, mais il faut des médecins traitants, des réseaux, sinon, c'est trop lourd à porter ». Généraliste libérale, 47 ans, hors USP
« J'en retiens une grande solitude en ville du généraliste. Est-ce que j'en fais trop ou pas assez ? ». Généraliste libéral, 69 ans, USP
« En tant que chirurgien vasculaire et endovasculaire, nous avons très régulièrement des patients en fin de vie, principalement en ischémie critique des membres inférieurs. Il est très difficile de les transférer en USP et les unités mobiles de soins palliatifs (UMSP) sont débordées ». Chirurgien hospitalier, 33 ans, hors USP
« Je fais souvent des fins de vie à domicile pour mes patients, avec les IDE du village. Ce sont toujours des moments forts et souvent beaux. Nous faisons très rarement appel à une HAD, qui est très lourde, contraignante, peu réactive ». Généraliste libérale, 40 ans, hors USP