Pour son premier Vendée Globe, Isabelle Joschke ne connaîtra pas la liesse du départ ce dimanche 8 novembre. Épidémie oblige, la descente du chenal par les 33 concurrents se fera à huis clos. Une première depuis la création en 1989 de cette mythique course à la voile autour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance.
Mais qu'importe la crise sanitaire, la navigatrice franco-allemande n'est pas du genre à se décourager. « De tous les skippeurs, c'est sans doute celle que ça dérange le moins car ça lui permet de se mettre tout de suite dans sa bulle », analyse Cécile Pujol, membre de son équipe. Isabelle Joschke, aventurière dans l'âme, voit avant tout dans le Vendée Globe « une immense part d'inconnu et de nombreux défis à relever ».
Gagner en puissance
Si cette course au large, qu'on surnomme « l'Everest des mers » a lieu tous les quatre ans, c'est aussi parce qu'elle exige une préparation colossale. Dimanche, Isabelle Joschke franchira la ligne de départ sur un bateau aux couleurs de la MACSF, partenaire santé officiel du Vendée Globe. Avec le groupe mutualiste, elle a mis l'accent sur un accompagnement physique et mental minutieux.
Car du haut de ses 1m60, la skippeuse doit pouvoir manœuvrer en pleine mer et pendant trois mois un bateau de 8 tonnes, 18 mètres de long pour 30 de haut. Lors de certaines manœuvres, elle devra parfois porter des voiles qui font deux fois son poids. Son secret ? Le Pilates. « À travers cette méthode, j'ai appris à travailler en isométrie, c’est-à-dire à engager les muscles agonistes et antagonistes en même temps, pour gagner en puissance dans mes mouvements », explique-t-elle.
Gestion du sommeil, la clé
À bord, Isabelle Joschke ne néglige pas la nourriture. Si la majorité de ses concurrents embarquent majoritairement des plats lyophilisés plus faciles à préparer, la navigatrice de 43 ans préfère déshydrater ses propres aliments. « Pendant mes périodes à terre, je récolte des algues et des orties pour les utiliser ensuite en soupe ou en pesto lorsque je suis en course », raconte-t-elle. Cette fois, elle a même été aidée par une cuisinière qui lui préparé des plats sur mesure. Au menu notamment : salade de sarrasin et confit de canard.
Quand on part en mer pour plusieurs mois, la gestion du sommeil est primordiale. Les skippeurs du Vendée Globe doivent s'habituer à dormir par petites siestes de 5 minutes à 1 heure et parfois dans des conditions extrêmes. Isabelle Joschke peut compter sur quinze ans d'expérience de la course au large. Quant à la solitude, cela ne lui fait pas peur. « Je me sens tellement à l'aise toute seule sur mon bateau que je ne ressens pas de manque, au contraire j'aime ça », avoue la skippeuse dans un sourire.
Traumatologie et niveau sonore
Il est loin le temps où les navigateurs partaient à l'aventure presque les mains dans les poches. Les bateaux, de plus en plus rapides, exigent une excellente condition physique. Cette année, 19 concurrents ont armé leur monture avec des foils contre seulement 6 en 2016. Fixés sur la coque, ces appendices en forme de moustache transforment les monocoques en fusées.
Ce qui fait craindre au Dr Jean-Yves Chauve, médecin de la course, une traumatologie plus importante et violente que lors des dernières éditions. « Le pire c'est quand un skippeur perd conscience car les secours peuvent mettre parfois plusieurs jours à arriver », prévient-il. Avec la vitesse, les bruits provoqués par le bateau augmentent également. À l’intérieur de la coque et du cockpit, on enregistre un niveau sonore pouvant atteindre 120 décibels. Mis à part l'usage de bouchons d'oreille, le Dr Chauve n'a pas trouvé la solution miracle.
Testés, confinés
À cela s'ajoute cette année le contexte épidémique qui a perturbé la fin de la préparation. Durant le mois qui précède le départ, tous les concurrents sont testés régulièrement puis confinés sept jours avant de prendre le large. Mais pour Alain Gautier, manager d'Isabelle Joschke, ce confinement pourrait avoir du bon. « La dernière semaine est souvent synonyme de sursollicitation par les médias, les sponsors et la famille », se souvient le vainqueur de l'édition 1992/1993.
Pourtant autorisée à se confiner avec son équipe, Isabelle Joschke a préféré s'isoler seule depuis le 31 octobre afin de mieux se préserver et continuer son entraînement physique. Elle fait partie des six femmes au départ cette année et ne compte pas faire de la figuration. Malgré un bateau en retrait des plus sophistiqués de la flotte, Isabelle Joschke vise « le top ten ». « Mais mon premier objectif c'est de terminer la course car 50 % des concurrents n'y arrivent pas, j'ai envie de voir les mers du sud et le cap Horn ».