Les médecins libéraux vont-ils devoir déposer leurs congés auprès de l’Ordre ? Ça en prend le chemin puisque les députés s’apprêtent à confirmer la mesure qui fâche de la réforme Bachelot. Au grand dam de vos syndicats, qui redoutent que ce soit le début d’un système d’autorisation préfectorale. Dans cette affaire, le gouvernement voudrait pourtant jouer l’apaisement. Trouver une solution, c’est possible, et nous l’avons vérifié en Seine-Saint-Denis.
C’est l’un des deux sujets actuels de fâcherie entre le corps médical et le gouvernement. L’une des dernières libertés des praticiens libéraux, à savoir prendre ses vacances quand on veut et comme on veut, est-elle menacée ? Alors que le ministre de la Santé avait promis de revenir sur la « déclaration d’absence », cette mesure contestée de la loi Bachelot, les Parlementaires se sont braqués. Au Sénat, les élus ont refusé de voter l’article 4 de la proposition de loi Fourcade visant à supprimer cette nouvelle obligation «difficilement applicable en raison de l’impossibilité d’en contrôler l’exécution. » Et le même tir de barrage est prévisible à l’Assemblée nationale, alors que les députés doivent examiner le texte mardi prochain en séance publique.
La députée UMP des Bouches-du-Rhône, Valérie Boyer, a pourtant tout fait pour faire disparaitre la déclaration obligatoire de congés. Mais sans succès. Son amendement rappelait pourtant que « outre la lourdeur de cette formalité pour les praticiens eux-mêmes, son traitement par le CDOM s’est avéré impossible » et qu’en outre « dans un contexte de désaffection des médecins libéraux par rapport à leur exercice et d’installation tardive des jeunes professionnels, il convient de redonner une capacité d’initiative aux médecins libéraux et de leur laisser assumer la responsabilité collective d’organiser la continuité des soins ». Las! Ses collègues en commission n’ont rien voulu entendre. Et il n’est pas certain qu’en séance publique le 12 avril, ils soient plus disposés à tirer un trait sur cette disposition emblématique de la réforme Bachelot.
Concrètement, au titre de la « continuité des soins en médecine ambulatoire, » cette dernière rappelait l’obligation pour un médecin d’indiquer à ses patients le confrère auquel ils pourront s’adresser en son absence. Mais en plus désormais, le médecin devait « également informer le conseil départemental de l’ordre de ses absences programmées ». En outre, le CDOM veillerait « au respect de l’obligation de continuité des soins et en informe le directeur général de l’ARS ».
A priori, la démarche s’analyse comme une simple formalité de plus pour le médecin. Et rien de plus. Mais en soi cela suffit à en agacer plus d’un. La CSMF a promis qu’elle donnera une consigne de boycott pour faire échec à cette « mesure humiliante, inutile et paperassière ». Et même s’il n’est pas question que les médecins « posent » leurs congés comme des salariés le font pour demander l’autorisation de partir en vacances, les syndicats de médecins s’inquiètent déjà du coup d’après. Chef de file de la branche généraliste de ce syndicat, Michel Combier s’interroge : et si le recensement des congés des médecins était un préalable à des réquisitions en deçà d’un certain seuil de praticiens actifs dans les zones désertifiées... Jean-Paul Hamon, co-président d’Union Généraliste ironise dans le même sens : « pauvres médecins des zones démographiquement faibles déjà sur le tas nuit et jour, le préfet va pouvoir leur interdire de prendre aussi des vacances ». « Cette obligation peut séduire des élus préoccupés par l'accès aux soins de leurs électeurs, relève enfin MG France. En pratique, elle participe largement à la désaffection de l'exercice médical libéral qui se confirme années après années ».
Pourtant sur le terrain, l’affaire n’apparaît pas si compliquée à résoudre. Dans sa proposition de loi, le sénateur Fourcade reprenait la solution déjà admise par Roselyne Bachelot avant son départ de l’avenue de Ségur. L’exemple à suivre en la matière est le conseil de l’Ordre de Seine-Saint-Denis. « Il s’agit de demander aux médecins libéraux d’informer le conseil de l’Ordre des périodes au cours desquelles ils seraient disponibles durant l’été, ainsi que des difficultés qu’ils connaîtraient pour leur remplacement » explique Jean-Pierre Fourcade qui note aussi, pragmatique, qu’il « apparaît plus judicieux de responsabiliser l’Ordre des médecins que de mettre en œuvre une disposition ressentie comme autoritaire et inefficace ». Xavier Bertrand a dit banco. Le Généraliste a enquêté sur le terrain sur ce dispositif qui marche.