À l'hôpital Marie Lannelongue dans les Hauts-de-Seine (Le Plessis-Robinson), deux patients présentant une malformation cardiaque congénitale complexe ont pu bénéficier de la valve pulmonaire Venus. Mise au point par la société chinoise Venus MedTech, elle a obtenu le marquage CE début 2022 et est particulièrement adaptée aux adolescents et jeunes adultes présentant une voie pulmonaire large.
« Même si ces malformations sont rares, nous avons la possibilité de bénéficier d'une innovation technologique spécifiquement dédiée à ces patients », s'enthousiasme le Dr Sébastien Hascoët, cardiologue à l'hôpital Marie Lannelongue.
La valve Venus se pose par cathétérisme par voie mini-invasive via la veine fémorale. Une anesthésie générale est requise, mais le patient peut retourner à son domicile après deux jours d'hospitalisation, alors que le temps d'hospitalisation pour une intervention chirurgicale à cœur ouvert - jusqu'alors seule option pour des patients à voie pulmonaire large - est de 10 jours, avec une éventuelle phase de réadaptation en plus.
Différents types de malformations peuvent être à l'origine de ces cardiopathies congénitales complexes, la plus fréquente étant la tétralogie de Fallot, caractérisée par un trou au niveau de la cloison qui sépare normalement les deux ventricules du cœur et par un rétrécissement de la voie pulmonaire (sténose). « Quand le chirurgien répare cette malformation chez le nourrisson, il met un patch pour boucher le trou entre les deux ventricules (CIV) et en utilise un autre pour élargir l'artère pulmonaire, explique le cardiologue. Ce second patch provoque souvent une fuite pulmonaire, qui est longtemps bien supportée, mais qui finit par entraîner une dilatation trop importante du ventricule droit. »
Le remplacement de la valve via les vaisseaux est alors nécessaire, mais les systèmes jusque-là disponibles, la valve pulmonaire Melody de Medtronic et la valve Sapien d'Edwards - indiquée pour le remplacement percutané de valve aortique (Tavi) mais utilisée aussi pour la voie pulmonaire - ne permettent pas de traiter les patients ayant une voie pulmonaire très large.
Un gain de 7 mm de diamètre
Plusieurs études ont montré l'intérêt de la valve Venus, notamment chez des jeunes adultes avec tétralogie de Fallot*. Grâce à son diamètre de 36 mm au maximum, la valve Venus est particulièrement adaptée à ces patients, alors que la valve Melody a un diamètre maximal de 22 mm et la Sapien de 29 mm. « Nous avons ainsi gagné 7 mm de taille, c'est ce qui fait la plus-value de cette nouvelle valve. Cela faisait des années que nous l'attendions, note le cardiologue. D'autres valves similaires ont été développées avec le même objectif, mais n'ont pas encore apporté de résultat satisfaisant et ne sont pas disponibles en Europe. »
La valve Venus a la particularité d'être auto-expansible grâce à sa structure en nitinol - un alliage de nickel et de titane. « En pratique, nous la sertissons manuellement dans l'eau glacée afin qu'elle soit suffisamment fine pour être insérée dans une fine gaine et passer dans les vaisseaux. Une fois dans l'organisme et après retrait du cathéter, elle se déploie lentement pour reprendre sa forme initiale », décrit le cardiologue, précisant que cette méthode est comparable à celle de la valve aortique CoreValve de Medtronic.
Un remboursement attendu
En France, des patients ont également déjà été implantés avec cette valve au centre de référence M3C-Necker, et d'autres centres experts du réseau français des malformations cardiaques congénitales complexes devraient suivre. À l'hôpital Marie Lannelongue, dix autres patients devraient bénéficier de Venus dans les semaines à venir. Néanmoins, ces implantations sont pour le moment à la charge de l'hôpital dans le cadre de son budget innovation. « Nous nous attendons à ce que le laboratoire fasse rapidement les démarches nécessaires en vue de son remboursement », estime toutefois le Dr Hascoët.
De nouvelles données cliniques ainsi que le suivi après commercialisation au niveau européen devraient appuyer cette démarche. « Nous en serons les investigateurs principaux avec l'équipe de Berlin, souligne le cardiologue. La valve Venus commence à être largement utilisée dans les centres experts européens, notamment en Espagne et en Italie. » La question de la durabilité de la valve devra aussi être évaluée. « Nous pouvons espérer qu'elle dure au moins 10 à 15 ans », avance-t-il.
En France, le nombre de remplacements valvulaires pulmonaires percutanés est de 150 à 200 par an. C'est une intervention relativement rare en comparaison aux 18 000 Tavi réalisés par an pour rétrécissement aortique dégénératif.
*W.-B. Ou-Yang et al, Ann Thorac Surg, 2020. DOI: 10.1016/j.athoracsur.2020.01.009