Un patient de 62 ans, suivi en rhumatologie pour un rhumatisme psoriasique, a des douleurs invalidantes du bassin, des chevilles et des pieds. Ces dernières se sont aggravées depuis plusieurs mois, avec une ankylose progressive des chevilles et une gêne fonctionnelle importante, l’obligeant à marcher avec un déambulateur. Sur les radiographies (figure 1), on constate une déminéralisation osseuse diffuse, avec des séquelles de fractures de plusieurs métatarses.
Le bilan biologique est le suivant : calcémie normale à 2,24 mmol/l, phosphatémie effondrée à 0,37 mmol/L, PTH normale à 44 ng/mL, et 25OH vitamine D3 normale à 44,6 ng/ml (patient supplémenté). Il n’a pas de syndrome inflammatoire biologique.
Une scintigraphie osseuse (figure 2) identifie de multiples fractures et fissures (avec stries de Looser-Milkmann du gril costal et du bassin) évoquant une ostéomalacie.

Devant cette ostéomalacie avec hypophosphatémie, un dosage du FGF 23 a été fait : le taux circulant de FGF23 intact est augmenté à 163 ng/L (N < 90 ng/L). Le patient a donc eu un TEP scanner au 68Ga-DOTA-TOC (figure 3) à la recherche d’une tumeur mésenchymateuse sécrétrice de FGF 23. Ce dernier met en évidence une lésion sphénoïdale centimétrique.

La biopsie de cette lésion (figures 4A et 4B) confirme la présence de cellules tumorales dont certaines sont dystrophiques, avec au sein de la tumeur un aspect clarifié, multi micro-vacuolaire, ainsi qu’un stroma très richement vasculaire, compatible avec une tumeur mésenchymateuse sécrétrice de FGF 23.


Une ostéomalacie oncogénique avec hypersécrétion de FGF-23
L’ostéomalacie oncogénique est une pathologie rare (moins de 500 cas rapportés dans la littérature), induite par la sécrétion inappropriée de FGF-23 par une tumeur bénigne mésenchymateuse. Cette sécrétion excessive de FGF 23 entraine une hyperphosphaturie par diminution de la réabsorption rénale tubulaire du phosphore, ainsi qu’une hypophosphatémie (1). De plus, le taux de 1-25 OH vitamine D3 est abaissé, dû à un défaut de formation (inhibition de la 1a-hydroxylase par le FGF23) et à l’augmentation de la dégradation de la 1-25 OH vitamine D3. Ces troubles du métabolisme phosphocalcique sont responsables d’une ostéomalacie, avec un défaut de minéralisation de la matrice osseuse, et donc une grande fragilité osseuse. Les patients ont donc de multiples fractures ou fissures ainsi qu’une faiblesse musculaire, entrainant des douleurs chroniques et diffuses, d’où l’importance de réaliser un bilan phosphocalcique systématique devant un tableau de syndrome douloureux chronique.
Comment localiser la tumeur ?
La difficulté réside dans la localisation de la tumeur du fait de sa petite taille et de son caractère localement asymptomatique (2). Les méthodes d’imagerie standard se montrent rarement utiles dans le diagnostic. On a donc recours à des méthodes d’imagerie fonctionnelles pour localiser ces tumeurs, en ciblant les récepteurs à la somatostatine fréquemment exprimés sur celles-ci (3). La scintigraphie à l’octréotide utilisée initialement a progressivement été remplacée par des méthodes d’imagerie plus précises (TEP aux analogues de la somatostatine : TEP- DOTA-TOC, TEP DOTA-NOC et TEP DOTA-TATE) (4). Ces tumeurs peuvent se retrouver à n’importe quel endroit du corps, avec une prédominance dans le territoire ORL.
Le traitement consiste en l’exérèse chirurgicale de la lésion, entrainant une normalisation extrêmement rapide des paramètres phosphocalciques et de la symptomatologie (5).
1. Carpenter TO. Oncogenic osteomalacia—a complex dance of factors. N Engl J Med 2003;348:1705-8
2. Ledford CK, Zelenski NA, Cardona DM, Brigman BE, Eward WC. The phosphaturic mesenchymal tumor: why is definitive diagnosis and curative surgery often delayed? Clin Orthop 2013;471:3618-25
3. Houang M, Clarkson A, Sioson L, Elston MS, Clifton-Bligh RJ, Dray M, et al. Phosphaturic mesenchymal tumors show positive staining for somatostatin receptor 2A (SSTR2A). Hum Pathol 2013;44:2711-8.
4. Marie Paquet, Mathieu Gauthé, Jules Zhang Yin, Valérie Nataf, Ophélie Bélissant, Philippe Orcel, Christian Roux, Jean-Noël Talbot, Françoise Montravers, Diagnostic performance and impact on patient management of 68Ga-DOTA-TOC PET/CT for detecting osteomalacia-associated tumours, Eur J Nucl Med Mol Imaging 2018;45:1710-20.
5. Radaideh AR, Jaradat D, Abu-Kalaf MM, et al. Resolution of severe oncogenic hypophosphatemic osteomalacia after resection of a deeply located soft-tissue tumour. Curr Oncol 2009;16(5):87-90.