Le Quotidien du médecin est un paquebot qui poursuit sa course quelle que soit la tempête : il reste imperturbable malgré le mauvais temps, il a sa personnalité propre que des vagues successives de journalistes n’ont pas modifiée, il résiste aux changements de maquette, de caractères et de couleurs, il est toujours le creuset où se fondent les talents venus d’ailleurs. Ce ne ne sont pas ses rédacteurs qui font «Le Quotidien», c’est lui qui leur assigne leur tâche.
Alors, c’est vrai : le passage au magazine hebdomadaire exigeait un changement en profondeur de la présentation du journal et c’est d’ailleurs avec un pincement au coeur que ceux qui en connaissaient la constance marmoréenne s’aperçoivent que lui aussi, décidément, a cédé à la modernité. Mais pour le lecteur, au fond, c’est le même journal, plus jeune, plus contemporain, plus en phase avec le temps.
«Le Quotidien» a été créé pour informer les médecins. Ils ne pensaient pas qu’ils avaient besoin de se tenir au courant de l’évolution de la médecine et de leur profession chaque jour, il les a vite convaincus. Avec son site Internet, il leur a même prouvé qu’il était présent à tout instant de leur vie. Il offre à ses lecteurs des informations sur l’évolution de la recherche en leur indiquant les derniers progrès scientifiques et aussi sur l’activité des médecins en France (et ailleurs). Notre journal est donc devenu rapidement le dénominateur commun de toute la profession, généralistes, spécialistes, secteur 1 et secteur 2, libéraux et hospitaliers, sans compter tout ce qui concerne l’assurance maladie, les budgets sociaux. Le libéralisme de ses propriétaires nous a même permis d’ajouter à ce large spectre d’informations, des pages culturelles et un commentaire politique, rubriques universalistes. Non seulement nous sommes le miroir de la profession médicale, mais nous en sommes le centre d’accueil et d’échanges, grâce au courrier des lecteurs et parce que n’importe quel médecin de France peut joindre un autre médecin par le biais du journal.
Un couple de fondateurs extraordinaire
Si ce journal a tenu cinquante ans, c’est parce qu’il joue ce rôle crucial. Et ce rôle, il le doit historiquement à un couple tout à fait extraordinaire qui a conçu «Le Quotidien du Médecin», l’a mis sur les rails en 1971 et en a fait une publication à la fois prospère, utile, institutionnelle et bourrée de talents. Je veux parler ici de nos anciens patrons, Marie-Claude Tesson, hélas décédée il y a quelques années, et Philippe Tesson, son époux, mais aussi prince du journalisme, qui a eu l’idée de ce projet unique qu’il a partagé avec sa femme.
Il n’a pas fallu un an au «Quotidien du Médecin» pour devenir un journal qui compte dans l’évolution de la médecine et des médecins mais aussi de la société française, tant il est vrai que nombre de journalistes des autres médias se réfèrent souvent à nous. C’est pour moi un moment unique que ce cinquantième anniversaire, celui de saluer le Dr Marie-Claude Tesson qui fut un médecin remarquable, mais surtout une journaliste de premier ordre, toujours curieuse de chaque nouveauté, informée avant nous, précédant nos réflexes et terriblement exigeante : elle nous faisait faire l’impossible. Elle avait aussi un charme fou : elle était l’universitaire, la scolaire, qui arrivait d’un pas décidé à la conférence de rédaction, dossiers sous le bras, avec quelques idées en tête.
De son côté, Philippe Tesson, qui n’est intervenu qu’à de très rares occasions dans la vie du «Quotidien», a été tel qu’en lui-même, un patron inventif, généreux avec ses ouailles, et surtout ce journaliste exceptionnel dont le talent nous irradiait : à eux deux, Marie Claude et Philippe avaient planté le décor. Comme des artistes du théâtre classique, nous appliquâmes l’unité de lieu et de temps. «Le Quotidien» changeait tous les jours, mais chaque jour il renforçait son caractère.
Pas de mystère : c’était bel et bien le journal de ses inventeurs. Ils n’y écrivaient guère mais ils auraient eu le droit de signer presque tous les articles. Il existe une règle inconnue qui veut qu’un journal vibre ou ne vibre pas, réussisse ou non, conquiert ou non son lectorat. Aujourd’hui, dépositaires du talent de ces deux créateurs, nous n’avons qu’un devoir : continuer sur la voie qu’ils ont tracée, sous la houlette de Jean Paillard, le directeur de la rédaction.
Qu’il me soit permis de remercier ici Philippe Tesson, mon ex-patron et ami, avec qui j’ai eu d’autres aventures journalistiques car il a fait d’autres journaux à la vie desquels il a eu l’extrême générosité de m’associer.