En peu de mois, tout peut changer et la position, décidément confortable, d'Emmanuel Macron peut se détériorer. Il ne faut accorder qu'une confiance prudente aux sondages, même s'ils répètent à l'envi que le président sortant obtiendra un second mandat. Il demeure que, par le passé, peu de candidats ont eu la chance insolente dont il bénéficie. Il est vrai que, en dépit de leurs analyses critiques, de leurs sarcasmes et de leurs quolibets, les partis d'opposition enfoncent des portes ouvertes. Plus ils hurlent à l'incompétence de l'exécutif, plus les résultats de l'action gouvernementale les confondent : non seulement la croissance est forte et l'emploi augmente, mais la campagne vaccinale porte ses fruits avec 47 millions de doubles doses et un recul de la pandémie en France et dans le monde. Le gouvernement a essuyé crise sur crise pendant quatre ans et pourtant il pourra exciper d'une feuille de route positive au moment du bilan et ne manquera pas de le faire.
La sinistrose des années 2017-2021 a incité la droite, la gauche, la gauche et les extrêmes à voir midi à leur porte : analyse prématurée, ne serait-ce que parce que le chef de l'État et sa majorité n'allaient pas se laisser faire ausi aisément. L'affaiblissement du pouvoir leur a fait croire qu'il leur suffisait que le fruit fût assez mûr pour tomber de l'arbre, mais ils ont tous partagé cet optimisme beaucoup trop tôt et, tandis qu'ils avancent des projets « novateurs », ils ne se rendent pas compte que, dans la bagarre contre la subversion et le Covid, l'exécutif a fini par marquer des points.
Le pessimisme n'est pas un argument
La France est divisée, l'extrême droite et l'extrême gauche sont devenues des partis dominants, mais insensibles à la volonté de la majorité des Français qui réclame la paix et la sérénité. Une perplexité idéologique sans précédent a frappé l'électorat : d'une part, il n'est pas certain qu'il y ait la moindre vérité dans le tableau sinistre que dressent du pays les partis extrémistes, tableau qui constitue l'axe de leur programme : ça va si mal qu'il faut tout changer ; d'autre part, le public s'aperçoit qu'avec un peu de patience on peut maîtriser l'adversité.
Cette évolution des esprits s'arrêtera-t-elle ? Quand, en janvier prochain, les chiffres de la croissance et de l'emploi seront publiés, quand, à la même époque, l'épidémie aura été, au moins momentanément, jugulée, le discours pessimiste sera nul et non avenu. Il est donc impossible d'inclure dans la prévision un événement catastrophique qui se produirait uniquement pour nuire au pouvoir. C'est en pleine campagne électorale que les choses se décanteront et elles ont commencé à le faire.
M. Macron, qui n'a pas grand-chose à craindre de ses adversaires, doit néanmoins se méfier de lui-même. Le voilà en effet disposé à réexaminer la réforme des retraites, tonneau de dynamite dont personne ne veut entendre parler avant les élections. Pourquoi essayer de forcer le destin ? Il peut dire qu'il remettra le métier sur l'ouvrage s'il est réélu et l'opinion continuera à le considérer comme un réformateur. Il peut aussi engager le débat sur la dépendance et montrer ainsi qu'il ne se satisfait pas de la situation de nos concitoyens les plus âgés.
La candidature probable d'Éric Zemmour, celle d'Arnaud Montebourg, l'écartèlement de LR entre la tentation de l'extrême droite et celle du centre, l'incapacité d'Anne Hidalgo à unir les forces de gauche, la présence dans le débat de Jean-Luc Mélenchon, tous ces facteurs militent pour le succès final d'Emmanuel Macron. Il lui appartient de rester sur la même ligne et de se laisser porter par elle s'il ne veut pas échouer in extremis. Il a déjà beaucoup de chance d'être sorti partiellement indemne des mauvais coups du sort et d'un mandat présidentiel qui aura été le plus dur de la Cinquième République. Il ne devrait pas pousser son avantage.