« Télémédecine », « téléconsultation » ou encore « télé expertise » : des mots absents des programmes et interventions des candidats à l'élection présidentielle. La télémédecine a pourtant fait ses preuves pendant la crise sanitaire et s'est imposée comme la solution majeure pour l’accès aux soins de tous les Français, particulièrement ceux vivant en désert médical. Alors pourquoi seuls deux prétendants à l’Élysée sur douze l'évoquent dans leur programme. Et quelles sont les raisons qui doivent inciter les candidats à prendre le sujet en main ?
Dans une campagne bouleversée par des enjeux diplomatiques prioritaires sur la scène internationale, les autres sujets de société s’en voient effacés. La santé, parmi les premières préoccupations des Français, tire tout de même son épingle du jeu avec de brèves apparitions dans certains débats bien que 66 % des sondés (Harris Interactive, février) estiment que le sujet n’est pas assez discuté. L’accès aux soins arrive en première position des sujets d’attention pour la santé (41 % des personnes interrogées). Si plusieurs candidats encouragent l’augmentation de la capacité des universités en médecine, l’installation de nouvelles maisons et de centres de santé ou encore le développement de dispositifs incitatifs efficaces d’installation dans les zones sous-dotées pour les jeunes médecins, presque aucun ne s’attarde sur le développement de la télémédecine.
Le bilan post-crise de son recours, avec plus de 19 millions de téléconsultations enregistrées en 2020, ouvre pourtant la voie d’un accès aux soins renforcé pour tous, en complémentarité de la médecine physique. Les hypothèses qui expliquent cette absence ne manquent pas : méfiance face au digital, promotion du tout physique, sentiment d’abandon et de déclassement des populations des territoires… Bref, faire la promotion de la télémédecine, c’est se risquer à la fuite d’une petite partie de l'électorat. Pourtant, aucune des propositions présentées par les candidats ne pansera à court terme les plaies d’un système de santé à l’agonie, en ce qui concerne l’accès aux soins.
Une alternative immédiate
Solution à un problème conjoncturel pendant la crise sanitaire, la téléconsultation a eu l'occasion de dévoiler des avantages qui pourraient, avec le prochain gouvernement, la transformer en une solution pérenne à un enjeu structurel : l’accès aux soins pour tous. Fuite des médecins vers les villes, départs à la retraite, augmentation du numerus clausus sans impact avant 10 ans : aucune autre alternative que la téléconsultation n’est aujourd’hui plus soutenable. Solution concrète immédiate, elle permet de redonner du temps médical dans les déserts médicaux, dans lesquels vivent plus de 10 % de la population.
Avec la téléconsultation, le temps médical est optimisé : il est mieux réparti, économisé et sécurisé grâce à l’outil digital. Solutionner la racine du problème, c’est aussi permettre d’en limiter les conséquences : contenir les complications des affections aiguës ou chroniques, désengorger les urgences et en finir avec le renoncement aux soins. In fine, les pertes de chances pour les habitants du territoire sont évitées et les médecins peuvent diversifier leurs activités.
Au-delà d’être une solution de fond, la télémédecine est une innovation dans l'air du temps qui séduit les Français évoluant dans un monde digitalisé. 69 % d’entre eux sont favorables à plus d’investissements pour développer l’usage de la télémédecine d’après le Baromètre ANS/Odoxa, de janvier 2021. Selon le même sondage, les médecins qui l’ont essayée sont satisfaits à 78 %.
En favorisant le déploiement de la télémédecine, une multitude d'acteurs locaux se réunissent autour d’un objectif commun : médecins, pharmaciens, infirmiers, collectivités territoriales, etc. Se pencher sur le déploiement de la télémédecine, c’est en outre la promesse de réaliser des économies substantielles d’environ 1 milliard d’euros, selon une étude publiée par l’Institut économique Molinari mi-janvier.
Il faut maintenant envisager des actions concrètes. Premièrement, aider les 9 000 communes des territoires ZIP à lever les barrières réglementaires en supprimant les contraintes de l’avenant 9 à la convention médicale et en mettant fin à la limitation des 20 % du temps dédié par médecin à la téléconsultation. Il faut aussi apporter un soutien financier pour l’installation de bornes ou cabines de télémédecine et la formation de référents pour accompagner les téléconsultations. Il s'agit par ailleurs d'engager des campagnes de sensibilisation auprès du grand public et dans les milieux professionnels. Enfin, dans le cadre de soins non programmés, permettre via des outils simples, et en fonction des situations et de la disponibilité médicale, de diriger le patient vers des consultations physiques ou digitales.
À l’instar des autres sujets santé que se sont déjà appropriés les candidats, la télémédecine doit être un axe majeur et concret des propositions visant à garantir aux Français un système de soins optimal.