Faut-il préférer, dans la BPCO, la trithérapie (Lama + Laba + CSI) à une double bronchodilatation (Lama + Laba) ? La question divise toujours les pneumologues. En effet, si la trithérapie réduit le risque d’exacerbations et de déclin de la fonction pulmonaire à court ou moyen terme, on a un doute concernant le risque d’infections pulmonaires et, on ne connaît pas aujourd’hui son impact à long terme.
Un récent article paru dans l’European Respiratory Journal Open vient apporter une pierre à l’édifice, du moins en ce qui concerne les patients de plus de 50 ans (1). Cette étude, Depict-2, fondée sur une modélisation des données, suggère en effet qu’il y aurait un réel bénéfice à initier par trithérapie les patients BPCO après 50 ans. La trithérapie initiée passés 50 ans, versus la bithérapie seule, procurerait ainsi un avantage relatif moyen en mortalité chiffré à 12 % à 75 ans. Et, au-delà de l’avantage en mortalité, cette stratégie réduit aussi significativement la dégradation de la fonction pulmonaire. Cela suffira-t-il à clore la controverse ?
Un travail de modélisation mené sur plus de 40 études
Ce travail de modélisation repose sur les données de 44 études. Le modèle retenu est un modèle complexe, permettant non seulement de prédire la progression de la BPCO entre 40 et 75 ans mais aussi d’estimer l’effet d’une bithérapie bronchodilatatrice initiale à l’âge de 45 ans (groupe Lama/Laba seuls), versus escalade thérapeutique vers la trithérapie à partir de l’âge de 50 ans (groupe Escalade). Ce, en termes d’effets sur le déclin de la FEV1 forcée, sur la qualité de vie et sur la mortalité.
L’analyse porte exclusivement sur les patients faisant plus d’une exacerbation par an (BPCO de stade E) éligibles à une double bronchodilatation ou à la trithérapie, notamment si la bithérapie est insuffisante et/ou en présence d’une hyperéosinophilie (> 300). Un protocole qui reprend celui des essais randomisés Ethos et Impact, qui pèsent lourd dans cette analyse – mais ces essais randomisés seuls n’avaient relevé un bénéfice de la trithérapie (vs bithérapie) sur la mortalité que chez les exacerbateurs fréquents déjà sous double bronchodilatation.
Une autre cohorte cette fois en vie réelle avait souligné le rôle de l’hyperéosinophilie, montrant que la trithérapie ne réduisait les exacerbations qu’en cas d’hyperéosinophilie et n’était associée à un surrisque de pneumopathie que lorsque le taux d’éosinophiles était bas. Ce qui tend à confirmer l’absence d’intérêt des CSI en l’absence d’hyperéosinophilie.
Résultats : avantage net à la trithérapie
Ce travail de modélisation confirme que le traitement Lama/Laba préserve la fonction pulmonaire, comparativement au groupe « non traité », avec, à 75 ans, une FEV1 moyenne prédite supérieure de 159 ml à celle du groupe non traité. Dans le groupe « escalade vers la trithérapie après 50 ans », le bénéfice en termes de FEV1 est encore supérieur : le modèle prédit en effet une FEV1 moyenne supérieure de 376 ml à 75 ans au groupe « non traité », et de + 217 ml comparativement au groupe « Lama/Laba seuls ». Ce qui est loin d’être négligeable.
Les données de mortalité vont dans le même sens. À 75 ans, le modèle prédit une mortalité moyenne réduite de 5,4 % dans le groupe « Lama/Laba seuls » versus « groupe non traité ». Et, dans le groupe « escalade vers la trithérapie après 50 ans », le modèle prédit, toujours à 75 ans, une mortalité moyenne réduite d’encore 12 % versus groupe « Lama/Laba seuls ». Soit un bénéfice relatif en mortalité de 12 % pour la trithérapie versus bithérapie : un avantage significatif même s’il reste modéré.
Enfin, sans surprise l’avantage en termes d’évolution de la FEV1 s’accompagne d’un bénéfice significatif en qualité de vie. Dans le groupe Lama/Laba seuls, le score SGRQ (St George’s respiratory questionnaire) est de réduit de 3,2 points, versus groupe non traité, et il est encore réduit de 7,5 points dans le groupe escalade.
(1) D Singh et al. ERJ Open Research 2025;11(2):00438-2024
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