La rage en France

Le risque est toujours d'actualité

Publié le 10/12/2008
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SI LA FRANCE a été déclarée officiellement indemne de rage terrestre en 2001 suite au programme national de vaccination des renards, des cas de rage animale font encore régulièrement l'actualité, liés à plusieurs phénomènes.

Le cas le plus fréquent est l'introduction d'animaux enragés sur le territoire français par importation illégale. En février 2008, cependant, un cas de rage canine a provoqué une inquiétude particulière. Une chienne enragée a été identifiée en Seine-et-Marne alors même qu'elle n'avait jamais voyagé hors de l'Hexagone. Rapidement, il s'est avéré que l'animal avait été contaminé par un autre chien, et qu'il y avait eu une chaîne de transmission à travers plusieurs départements à partir d'un animal effectivement importé du Maroc. Le phénomène a pris une ampleur relative avec la prise en charge de 152 personnes par les centres antirabiques. Les départements concernés ont fait l'objet d'une restriction de la circulation d'autres animaux et des recommandations de vaccination pour certaines populations animales (chiens de chasse, animaux participant à des expositions, etc.). À ce jour, le phénomène semble avoir été jugulé : aucun nouveau cas animal en relation avec cet épisode ni aucun cas humain n'ont été détectés depuis en métropole. Le seul cas canin identifié depuis cet épisode était importé (voir ci-contre).

Un cas de transmission de rage des chiroptères.

Le deuxième type de risque est lié aux chauves-souris. La reconnaissance de la maladie chez les chiroptères depuis les années 1970 pose de nouveaux problèmes de santé publique. En France, la surveillance de la rage des chiroptères est instituée depuis 1989 par l'AFSSA, mais le statut d'espèce protégée de ces mammifères volants insectivores complique la situation. Les campagnes de prélèvements ne sont pas autorisées, ce qui restreint cette surveillance au recueil d'animaux morts ou mourant par des zoologistes amateurs volontaires. La surveillance est donc passive, non systématique ni exhaustive. Les résultats sont difficilement interprétables en termes de représentativité. Depuis 1989, plus de 900 chauves-souris ont été dépistées et 36 se sont révélées atteintes de rage, sans qu'une prédominance géographique n'ait pu être mise en évidence. Les virus retrouvés sont les Kuropean Bat lyssavirus de type 1 et 2 (EBL1 et 2), qui sont propres aux chiroptères, mais sont transmissibles à d'autres espèces. Une dizaine de cas de transmission à d'autres animaux ont été décrits dans le monde, essentiellement à des carnivores sauvages, comme la marte, ou à des moutons. Dans l'histoire de la littérature médicale, seuls 4 cas de transmission d'un EBL à l'homme ont été rapportés, avec cependant à chaque fois une rage cliniquement identique à celle provoquée par les virus canins. Progressivement, on assiste à une sensibilisation de la population au problème de la rage des chiroptères, et le nombre de personnes consultant dans les centres antirabiques suite à une morsure de chauve-souris est en augmentation.

Récemment, le premier cas au monde d'infection naturelle d'un carnivore domestique par un virus de chauve-souris a été décrit en France. Il s'agit d'un chat décédé de rage en Vendée en novembre 2007, chez qui le virus EBL1 a été isolé. L'information est intéressante scientifiquement ; cependant, aucune excrétion virale n'a pu être mise en évidence chez ce chat, et l'on ne sait toujours pas si la transmission d'un virus de chiroptère à une autre espèce constitue un cul-de-sac virologique ou non. Ce cas n'entraîne pas de changement en termes de prise en charge courante ou d'attitude thérapeutique, mais il incite à maintenir la vigilance vis-à-vis de la rage des chauves-souris.

Un homme décédé de rage desmodine.

Cette année 2008 a également été marquée par la survenue d'un cas de rage humaine en Guyane. La particularité de la Guyane est qu'il y vit des chauves-souris hématophages, dites « vampires », hébergeant des lyssavirus de type 1, c'est-à-dire un sous-type de virus normalement hébergé par les carnivores. Le passage de ce type de virus aux chauves-souris vampires et sa circulation au sein des colonies depuis vingt ou trente ans font qu'il s'est créé une séparation génétique entre les deux populations de virus et qu'il est possible d'identifier la souche par analyse moléculaire et de savoir s'il s'agit effectivement d'une souche desmodine ou canine. L'homme décédé en mai dernier à l'hôpital de Cayenne était infecté par un virus de souche desmodine, mais il n'a pas été possible de savoir s'il avait été transmis directement par une chauve-souris ou par un carnivore lui-même mordu par une chauve-souris. Ce cas a cependant permis de renforcer la sensibilisation de la population guyanaise vis-à-vis du problème des animaux errants.

Retour de la rage vulpine en Italie ?

Un point d'actualité récent concernant la rage est européen. En effet, en octobre dernier, ont été identifiés en Italie, dans une province du nord-est, frontalière de l'Autriche et de la Slovénie, deux cas de rage vulpine, distant d'une quinzaine de kilomètres l'un de l'autre. Cette réintroduction supposée depuis le voisin slovène n'a, a priori, pas donné lieu à des contaminations d'animaux domestiques, mais un homme mordu par un des deux renards a été pris en charge immédiatement. Si cette région est située loin de la frontière française, il s'agit cependant d'une région très touristique et la prise en charge de touristes français mordus provenant de cette partie de l'Italie devra peut-être être reconsidérée.

Dernière minute en Isère.

Enfin, actuellement, une vingtaine de personnes sont suivies par les centres antirabiques de Grenoble et de Bourgoin-Jallieu en Isère, suite à l'importation en octobre d'un chiot trouvé sur un parking en Espagne, et ayant déclaré une rage clinique quelques jours plus tard. L'origine de cet animal restera sans doute mystérieuse : en effet, l'Espagne est indemne de rage et il sera sans doute impossible de faire la lumière sur les modalités de contamination de cet animal.

D'après un entretien avec le Dr Alexandra Mailles de l'Institut de veille sanitaire.

> Dr CAMILLE CORTINOVIS

Source : Le Quotidien du Médecin: 8478