Prévention du paludisme chez le voyageur

Des mesures qui doivent être réactualisées en permanence

Publié le 10/12/2008
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LE NOMBRE de cas de paludisme d'importation en France métropolitaine a été estimé à environ 4 400 en 2007 par le Centre national de référence (CNR) du paludisme. La diminution régulière du nombre de cas depuis 2000 s'est confirmée dernièrement, avec une baisse de 16,5 % par rapport à 2006. Toutefois, 82 % des accès à Plasmodium falciparum concernent l'Afrique subsaharienne, qui reste une zone très sévèrement touchée et dans laquelle les résistances progressent. Les trois quarts des cas de paludisme d'importation surviennent chez des sujets d'origine africaine résidant en France. Il semble en effet que cette population soit moins bien informée du risque de paludisme et des possibilités de prophylaxie ou qu'elle renonce aux mesures préventives pour des raisons économiques.

Le Pr Denis Malvy rappelle quelques-uns des grands principes de la prévention du paludisme chez le voyageur. Premier point, aucun moyen préventif n'assure à lui seul une protection totale ; il faut donc combiner une protection vis-à-vis des piqûres de moustique – toujours indispensable – et une chimioprophylaxie. Deuxièmement, le choix de la chimioprophylaxie doit, certes, tenir compte du groupe dans lequel est classé le pays visité (chloroquinorésistance émergente pour le groupe 2 ; chloroquinorésistance élevée et multirésistance pour le groupe 3), mais aussi d'autres paramètres, soit liés au séjour – niveau de la transmission (qui diffère au sein d'un même pays en fonction de la région et de la saison), conditions et de durée du séjour –, soit liés au voyageur – âge, antécédents médicaux, éventuelle interaction avec d'autres médicaments, antécédent d'intolérance aux antipaludiques, grossesse en cours ou future, mais aussi capacité du sujet à comprendre et à observer le traitement et d'en supporter le coût financier. Enfin, il est impératif de se rappeler (et de prévenir le voyageur) que toute pathologie fébrile au retour des tropiques doit être considérée apriori comme pouvant être d'origine palustre, nécessitant une consultation médicale urgente.

Toutefois, comme l'indique le Pr Denis Malvy, dans certaines situations ou modalités bien particulières, il est possible d'évaluer l'indication de la chimioprophylaxie. Aucun produit n'étant parfaitement toléré, il est admissible, dans une zone à très faible transmission et correctement médicalisée, pour des séjours brefs (inférieurs à 7 jours), d'avoir recours à la seule protection contre les moustiques ; il faut néanmoins et quoi qu'il en soit être en mesure durant les mois qui suivent le retour de consulter en urgence en cas de fièvre, en signalant la notion de voyage en zone d'endémie palustre.

Actuellement, différents médicaments antimalariques peuvent être utilisés, seuls ou en association, en prophylaxie ; ce sont : la chloroquine, la méfloquine, la doxycycline, l'association chloroquine-proguanil et l'association atovaquone-proguanil. Tous sont délivrés sur ordonnance médicale et ne sont pas remboursés (sauf exception anecdotique).

Tous, excepté l'atovaquone, sont des schizonticides uniquement érythrocytaires et n'empêchent pas le développement des stades hépatocytaires du parasite ; ils doivent donc être pris pendant le séjour et poursuivis 4 semaines après le retour (période durant laquelle le risque d'accès est important). En revanche, l'atovaquone est un schizonticide hépatique et érythrocytaire ; l'association atovaquone-proguanil peut donc être interrompue 7 jours après le retour, le cycle du parasite étant stoppé au niveau du foie.

La chloroquine (Nivaquine 100) ne constitue une prévention efficace que dans les très rares pays du groupe 1, par exemple Amérique centrale ou certaines îles des Caraïbes. Chez les personnes pesant moins de 50 kg et chez les enfants, la posologie est de 1,5 mg/kg/j.

L'association de chloroquine (Nivaquine 100) et de proguanil (Paludrine 100) – également disponible en combinaison fixe (Savarine ) – peut être proposée dans les pays du groupe 2, notamment le sous-continent indien, certains pays de l'Asie du Sud et Madagascar. Savarine est autorisée chez la femme enceinte, mais n'existe pas sous forme pédiatrique ; chloroquine et proguanil sont donc donnés séparément à la dose respective de 1,5 mg/kg/j et de 3 mg/kg/j.

« Mais attention, prévient le Pr Malvy, la répartition des zones de résistance se modifie, plusieurs pays africains antérieurement du groupe2 sont désormais classés en groupe3. Compte tenu de l'extension de la chimiorésistance à l'association chloroquine-proguanil au-dessus du seuil critique de 25%, les pays côtiers du golfe de Guinée en Afrique de l'Ouest, entre le Sénégal et la Côte d'Ivoire, ainsi que la zone soudano-sahélienne, sont passés du groupe2 au groupe3. Cela ne signifie pas pour autant que ces pays (en zone soudano-sahélienne) soient concernés de manière homogène par le risque; dans une large partie nord (très sèche) de ces pays, il n'y a pas de paludisme ou seulement un paludisme saisonnier.»

La chimioprophylaxie des pays du groupe 3 repose sur l'association atovaquone (250 mg)-proguanil (100 mg) (Malarone), la méfloquine (Lariam 250) ou la doxycycline (Doxypalu à 50 ou 100 mg, Granudoxy Gé 100 mg).

À défaut, Malarone peut éventuellement être discutée chez la femme enceinte en cas de séjour inévitable en pays du groupe 3, mais il vaut mieux éviter ce type de voyage durant la grossesse. Elle existe aussi sous forme pédiatrique (62,5 mg d'atovaquone et 25 mg de proguanil) ; elle convient aux enfants de 11 à 40 kg. Cette association peut également être administrée chez l'enfant à partir de 5 kg, mais cela pose des problèmes pratiques (sécabilité des comprimés et biodisponibilité médiocre dans le lait). Et, d'une façon générale, l'administration continue de Malarone doit être limitée à trois mois, faute de données disponibles pour des durées plus longues.

La méfloquine (Lariam 250) est administrée à raison de 1 comprimé par semaine pour une personne de plus de 45 kg. La posologie chez l'enfant est de 5 mg/kg/semaine, mais il n'existe pas de forme pédiatrique. Le comprimé pouvant être sécable en 4, il est possible de proposer le traitement aux enfants à partir de 15 kg. La prescription de Lariam peut être discutée chez la femme enceinte si le séjour en zone 3 est indispensable. Du fait d'une tolérance médiocre, il est fortement conseillé de commencer le Lariam au moins 10 jours avant le départ afin de juger des effets indésirables et de pouvoir changer de prescription, si besoin ; les troubles neuropsychiques ne sont pas rares et doivent faire interrompre immédiatement le traitement. Des antécédents neuropsychiatriques sont une contre-indication à la prescription de ce médicament. Certaines régions comme les zones forestières de la Thaïlande frontalières du Cambodge, du Myanmar et du Laos abritent des souches de Plasmodium falciparum résistantes à la méfloquine. Il faut alors proposer une prophylaxie par Malarone ou doxycycline.

La doxycycline est proposée à la dose de 100 mg chez les sujets de plus de 40 kg et de 50 mg chez les moins de 40 kg. Elle est contre-indiquée avant l'âge de 8 ans et chez la femme enceinte. Pouvant entraîner une photodermatose, elle doit être prise au repas du soir, et les expositions solaires doivent être évitées et/ou protégées.

Pour les séjours de longue durée (de plus de trois mois), il faut particulièrement insister sur l'importance de la protection mécanique vis-à-vis des piqûres de moustiques. Lors d'un premier séjour, il est préférable de prescrire une chimioprophylaxie durant trois ou six mois, «le temps que l'expatrié s'adapte aux conditions de vie (notamment qu'il repère les centres médicaux et les modalités de recours aux soins) », explique le Pr Malvy. Au-delà de cette durée et sachant que la poursuite d'une prise continue pendant plusieurs années pose des problèmes d'observance, une éventuelle chimioprophylaxie donnée à la saison des pluies ou pour certains déplacements en zone rurale et forestière peut être discutée, elle est difficile à mettre en oeuvre en pratique. Est également discutée la place du traitement présomptif. Dans tous les cas, il est indispensable que la prise en charge rapide d'une fièvre par un médecin référent puisse être assurée.

Pour les séjours itératifs de courte durée et répétés pendant plusieurs années (navigants aériens, ingénieurs pétroliers…), la chimioprophylaxie n'est pas adaptée. Le médecin du travail de ces entreprises a un rôle essentiel d'information à jouer ; cette information doit être personnalisée, répétée annuellement, et porter sur la prévention des piqûres de moustique et l'incitation à consulter d'urgence un médecin en cas de fièvre. La prescription d'un traitement présomptif est envisageable chez ces personnes bien informées.

«En définitive, bien conduire une chimioprophylaxie du paludisme représente un enjeu majeur pour le voyageur lui-même qui évite l'expression de la maladie», conclut le Pr Denis Malvy.

D'après un entretien avec le Pr Denis Malvy.
(1) « BEH » 25-26-24  juin 2008.

La protection vis-à-vis des piqûres de moustiques

Les moustiques qui transmettent le paludisme piquent habituellement entre le coucher et le lever du soleil. C'est donc durant cette période que la protection doit être maximale, avec le port de vêtements imprégnés et couvrants et l'utilisation d'une moustiquaire imprégnée d'insecticide pour dormir. Dans les régions où le paludisme est endémique, il est fortement recommandé d'éviter de sortir la nuit, même un court instant, sans protection antimoustique de type répulsif cutané. La deltaméthrine et la perméthrine sont indiquées pour l'imprégnation de la moustiquaire, la perméthrine peut être utilisée pour l'imprégnation des vêtements. Selon le Pr Malvy, chez l'adulte et en dehors de la grossesse, le N,N-diéthyl-m-toluamide (DEET) à 50 % se révèle le répulsif insectifuge le plus efficace. Compte tenu des problèmes de tolérance chez la femme enceinte et l'enfant, d'autres recours sont attendus comme l'icaridine à 20 ou 30 % (KBR 3023) ou le citriodiol à 20 ou 30 %.

Déclaration des effets indésirables

Tout personnel de santé ayant constaté un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d'être dû à un médicament, qu'il ait ou non été prescrit ou délivré par lui, doit en faire la déclaration immédiate au centre régional de pharmacovigilance (CRPV) dont il dépend.

Voir la fiche de déclaration des effets indésirables médicamenteux : www.sante.gouv.fr/cerfa/efindes/abvitot.pdf et la liste des CRPV : http://afssaps.sante.fr/htm/3/indvigil.htm.

> Dr DENISE CARO

Source : Le Quotidien du Médecin: 8478