LA RAISON de l’engouement pour ces nouvelles techniques vient de leur caractère non invasif et de leurs possibilités diagnostiques. Pour concurrencer réellement la CO, ces méthodes doivent cependant présenter certaines qualités incontournables : la simplicité de réalisation, la performance diagnostique, l’innocuité et le coût modéré.
La coloscopie virtuelle par scanner (CVS). La série multicentrique de l’ACRIN (1), portant sur plus de 2 500 patients, rapporte une sensibilité de 90 % pour les polypes de plus de 1 cm. Ces résultats confirment en grande partie les études nord-américaines précédentes (2,3) qui avaient proposé, dans leur conclusion, la CVS comme examen de dépistage, y compris dans les populations à haut risque. Cette position très radiologique s’appuyait également sur l’abandon de toute lésion de moins de 5 mm, le choix étant laissé au patient pour les lésions entre 6 et 9 mm (surveillance par CVS à 3 ans ou polypectomie). Depuis, les responsables américains du dépistage (US Multisociety Task Force on Colorectal Cancer) ont intégré la CVS dans leurs recommandations relatives aux examens proposés aux patients, à côté des tests fécaux et, bien sûr, de la coloscopie (4). Cependant, outre l’irradiation, un certain nombre de contraintes peuvent gêner la réalisation de cet examen et en diminuer l’acceptabilité. Une préparation complète est indispensable pour vider le côlon, au moins équivalente à celle de la CO, et associée à un double marquage des selles par ingestion la veille d’un produit de contraste hydrosoluble et d’une solution barytée. Surtout, l’insufflation indispensable de gaz, en général du CO2, au travers d’une sonde rectale, peut être responsable de douleurs qui gênent l’obtention d’une bonne distension colique indispensable à l’analyse fine de la muqueuse. Les logiciels actuels permettent également une détection automatique des anomalies de relief, la mesure des polypes détectés et surtout leur parfaite localisation sur un segment colique. Quant aux lésions extra-coliques, elles représentent plus un problème qu’un réel avantage car, décrites dans 15 à 25 % des cas, il s’agit le plus souvent d’un incidentalome qui risque de déclencher d’autres examens plus ou moins justifiés.
La vidéocapsule colique (VCC). La VCC est l’adaptation de la plate-forme « small bowel capsule » avec une gélule plus grosse (32 mm), un capteur aux deux extrémités permettant de produire 4 images/seconde et une durée de fonctionnement portée à 10 heures. Cette capsule présente la particularité de se mettre en pause environ 5 minutes après l’ingestion, pour se rallumer automatiquement au bout de 2 heures (occultant donc en grande partie l’examen du grêle) afin de préserver l’énergie pour la visualisation du côlon. La préparation utilisée a un double objectif : obtenir la vacuité colique et une progression rapide dans l’intestin au prix d’un protocole souvent complexe et astreignant associant laxatifs à solutions PEG et prise de médicaments. La taille de la capsule explique la longue liste d’exclusions citées dans les protocoles par crainte de blocage de la VCC et, également, l’impossibilité pour quelques patients de pouvoir l’avaler. Les premiers résultats de l’étude européenne multicentrique (5) portant sur 320 patients font état d’une valeur prédictive négative de 90 % pour les lésions de 1 cm et plus, mais seulement de 64 % entre 6 et 9 mm. Par ailleurs, cette étude révèle les problèmes de préparation, avec presque un tiers des cas jugés mal préparés. En attendant les résultats des protocoles nationaux réalisés sous l’égide de la SFED, deux études prospectives (6,7) comparables dans leur design, avec réalisation d’une CO le même jour et lecture en double aveugle, ont été publiées, totalisant 120 patients. Les résultats sont prometteurs, avec des valeurs prédictives moyennes de 70 à 80 % (VPN = de 56 à 80 % et VPP = de 69 à 100 %) et, bien sûr, avec des chiffres encore meilleurs pour les lésions de plus de 6 mm, dites significatives. Parmi les problèmes techniques rencontrés, la lenteur de progression prédomine avec non-élimination dix heures après l’ingestion dans 20 à 30 % des cas rendant ainsi l’examen incomplet. La VCC est cependant une vraie alternative, réellement non invasive, donnant de plus une vision endoscopique plus proche de la connaissance habituelle que l’on a des lésions coliques. Des perfectionnements sont encore attendus avec une miniaturisation encore plus poussée, une plus grande réserve d’énergie qui permettra à terme un « total bowel screening » et des moyens pour accélérer la progression et simplifier la préparation. À ce jour, le coût de la capsule rend son utilisation peu envisageable dans une stratégie de dépistage de masse.
Les autres techniques : IRM et TEP. Ces techniques d’imagerie restent actuellement anecdotiques dans ce cadre, mais il est indéniable qu’elles peuvent visualiser certaines lésions coliques selon les conditions de réalisation de l’examen. Une étude prospective portant sur 120 patients (8) a montré que la colo-IRM détectait les lésions coliques de plus de 1 cm dans 86 % des cas, mais avec des résultats beaucoup plus faibles pour les lésions de plus petite taille ou de type sessile. Le protocole d’examen se rapprochait beaucoup de celui du CVS avec une préparation complète, un contraste liquide utilisant un mélange eau-gadolinium et une interprétation en 2D et 3D autorisant là aussi le « fly through » ou endoscopie virtuelle. De même, plusieurs publications ont fait état de diagnostic incident de gros adénomes ou de cancers coliques lors de TEP réalisées pour d’autres pathologies (9). Une étude récente a inclus 18 patients comparant les résultats avec la coloscopie de référence. La combinaison PET/CT scan a permis de retrouver 23 sur 27 polypes de plus de 1 cm, et surtout tous les cas de cancers ont été détectés. En conclusion, toutes ces méthodes se positionnent comme des « challengers » de la CO sans pouvoir égaler cependant les remarquables performances des endoscopes actuels de haute définition qui permettent la détection des petites lésions ou des lésions planes ni pouvoir prétendre évidemment à en faire le traitement. Un examen qui posséderait les performances diagnostiques de la coloscopie sans en avoir les contraintes ou les risques pourrait donc s’intercaler dans une stratégie de prévention du cancer du côlon entre un simple test fécal et la coloscopie réservée alors à la polypectomie. Dans l’avenir la vidéocapsule colique pourrait alors prétendre jouer ce rôle intermédiaire.
*Président de la SFED.
1. American college of radiology imaging
network (ACRIN). N engl J Med 2008; 359:
1207-17.
2. Pickhardt PJ et coll. N Engl J Med;349:
2191, 2003.
3. Kim DH et coll. N Engl J Med 2007;357:
1403-12.
4.Gastroenterology. 2008:134(5): 1570-95.
5. Deviere JM et coll. Gastroenterology 2008
; 134 : AB 784.
6. Eliakim R et coll. Endoscopy 2006;38:
963-970.
7. Schoofs N et coll. Endoscopy 2006;38:
971-980.
8. Saar B et coll. Br J Radiol.
2007;80:235241.
9. Gollub MJ et coll. AJR 2007;188:130-138.
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